Reporters sans frontières (RSF) appelle la communauté internationale à faire preuve de fermeté pour contraindre Bakou à mettre un terme au harcèlement des derniers journalistes indépendants.
Le procès du journaliste Afgan Moukhtarly, ramené de force en Azerbaïdjan depuis la Géorgie et maintenu en détention malgré sa santé fragile, débute ce 14 décembre 2017. Reporters sans frontières (RSF) appelle la communauté internationale à faire preuve de fermeté pour contraindre Bakou à mettre un terme au harcèlement des derniers journalistes indépendants.
C’est un exemple frappant de l’acharnement des autorités azerbaïdjanaises contre les voix critiques : le procès d’Afgan Moukhtarly démarre ce 14 décembre à Balakan, dans le nord du pays. Le journaliste d’investigation et activiste a été enlevé le 29 mai en Géorgie, où il était exilé, et ramené de force dans son pays, où il a aussitôt été emprisonné.
Les autorités azerbaïdjanaises affirment contre toute évidence qu’il a été arrêté à la frontière et l’accusent de « contrebande », « franchissement illégal de la frontière » et « refus d’obtempérer aux forces de l’ordre ». Toutes les requêtes présentées par la défense lors d’une audience préliminaire, le 30 novembre, ont été rejetées. Diabétique, le journaliste a perdu beaucoup de poids et souffre d’hypertension.
Audiences en cascade pour les journalistes et médias indépendants
La semaine est tout entière émaillée d’échéances judiciaires pour les quelques voix indépendantes en Azerbaïdjan. Le 15 décembre se poursuivra le procès en appel du blogueur Mehman Housseïnov, condamné en première instance à deux ans de prison pour « diffamation » pour avoir dénoncé les actes de torture dont il avait fait l’objet. Quatre jours plus tard, la cour d’appel de Bakou doit examiner le recours introduit contre leur blocage par les principaux sites d’information indépendants. Les sites du quotidien Azadlig, de Radio Azadlig, de Meydan TV, Turan TV et de l’émission Azerbaycan Saati sont censurés en Azerbaïdjan depuis le mois de mai.
Aziz Oroujov, directeur de la chaîne Kanal 13 arrêté en mai, devra quant à lui attendre encore un peu avant de connaître son verdict : l’audience prévue pour le 12 décembre a été reportée à une date non spécifiée. Le procureur a requis sept ans de prison à son encontre pour « entrepreunariat illégal » et « abus de pouvoir » en relation avec son ONG « Caucasus Research Media Center », qui finance les activités du média.
Le 8 décembre, la Cour suprême a confirmé l’interdiction de voyager imposée à la célèbre journaliste d’investigation Khadija Ismaïlova. Jetée en prison en 2014 dans une affaire montée de toutes pièces, elle avait été remise en liberté conditionnelle sous la pression internationale en mai 2016. Mais elle a l’obligation de rester à Bakou et l’interdiction de voyager pour cinq ans.
« Ces procès concomitants montrent encore une fois que la criminalisation du journalisme est érigée en système en Azerbaïdjan : les prétextes les plus fallacieux sont de mise pour faire taire les dernières voix critiques, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF. Il est grand temps que les sanctions individuelles évoquées par la communauté internationale soient mises en oeuvre pour que Bakou cesse de piétiner ses engagements en matière de respect des droits de l’homme. »
Harcelés jusqu’en exil
De nombreux journalistes azerbaïdjanais ont dû se résoudre à l’exil pour échapper aux pressions. Mais le régime de Bakou n’hésite pas à détourner Interpol pour les poursuivre jusqu’à l’étranger. Arrêté le 14 octobre à Kiev sur demande de l’Azerbaïdjan, le journaliste en exil Fikret Housseïnli a été relâché deux semaines plus tard, mais il n’est toujours pas tiré d’affaire : le parquet ukrainien a fait appel contre sa libération, un recours qui sera examiné le 20 décembre. En attendant, le collaborateur de Turan TV est toujours privé de passeport et dans l’incapacité de rentrer aux Pays-Bas, où il vit et jouit du statut de réfugié politique.
Même lorsqu’elles sont impuissantes à mettre la main sur les journalistes en exil, les autorités azerbaïdjanaises s’en prennent à leurs proches restés au pays. Emin Saguiev, beau-frère du journaliste Turkel Azerturk, exilé aux Pays-Bas, a été arrêté le 17 novembre à Bakou pour « trafic de drogue ». Une accusation fréquemment brandie contre les dissidents et leurs proches. Turkel Azerturk présente une émission d’actualité très populaire sur Turan TV.
L’Azerbaïdjan occupe la 162e place sur 180 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2017. Le régime d’Ilham Aliev a tout fait ces dernières années pour annihiler le pluralisme médiatique. Les principaux titres critiques ont tous été asphyxiés financièrement ou fermés manu militari. Pas moins de 13 journalistes et deux blogueurs sont actuellement emprisonnés du fait de leurs activités d’information.