Cela fait un an que le journaliste Jean Bigirimana a disparu. Le matin du 22 juillet 2016, le journaliste du site d’information indépendant Iwacu a quitté son domicile de Bujumbura pour rencontrer un contact à Bugarama. Il est parti en disant à sa femme qu'il rentrerait déjeuner. Elle ne l'a jamais revu.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 21 juillet 2017.
Un an après la disparition du journaliste Jean Bigirimana, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de publier les résultats de l’enquête promis dès août 2016. L’organisation exhorte les autorités burundaises à tout faire pour déterminer ce qui a pu arriver au journaliste.
Cela fait un an que le journaliste Jean Bigirimana a disparu. Le matin du 22 juillet 2016, le journaliste du site d’information indépendant Iwacu a quitté son domicile de Bujumbura pour rencontrer un contact à Bugarama, une localité de la province de Muramvya, à l’est de la capitale. Il est parti en disant à sa femme qu’il rentrerait déjeuner. Elle ne l’a jamais revu.
Jean Bigirimana est bien arrivé à Muramvya où plusieurs témoins disent l’avoir vu se faire arrêter par le Service national du renseignement burundais, (SNR). Des policiers de Muramvya interrogés par des proches du journalistes, ont témoigné avoir vu le journaliste être jeté, ligoté, à l’arrière d’un véhicule dans lequel se trouvait le responsable du SNR de Muramvya. Dans un premier temps, le SNR a reconnu détenir le journaliste, avant de revenir sur cette déclaration.
Empêcher la manifestation de la vérité
Face au manque de réactivité de la police dans les jours qui ont suivi la disparition de Jean Bigirimana, ses collègues du site Iwacu ont décidé de mener l’enquête. Au bout de plusieurs jours, et malgré les intimidations de la police locale, deux corps ont été découverts dans le ravin d’une rivière, gorgés d’eau. L’un d’eux était décapité.
Convoquée pour identifier les corps, l’épouse du journaliste s’est retrouvée seule et entourée de policiers dans une pièce où on lui a demandé de reconnaître un corps dénudé et sans tête. Bouleversée, elle a tenté de reconnaître les pieds d’un cadavre qui avait passé plusieurs jours dans l’eau, sans y parvenir. Les corps ont ensuite été rapidement enterrés, sans test ADN ou autre expertise préalables.
Le journal Iwacu s’est constitué partie civile et a porté plainte contre X en août 2016. L’organisation non gouvernementale Trial International, qui lutte contre l’impunité, a pour sa part saisi le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires.
La pression publique a finalement contraint les autorités à réagir. En août 2016, le porte-parole de la police, Pierre Nkurikiye annonce sur Twitter, l’ouverture d’une enquête auprès du Parquet de Muramvya. Cependant, depuis cette brève annonce, rien ne montre qu’une enquête soit effectivement en cours. D’après des informations recueillies par RSF, ni les collègues du journaliste, ni les témoins oculaires de l’arrestation n’ont été entendus par la police. Joint par RSF, le porte-parole de la police a renvoyé vers « la justice ». Ni la porte-parole du Parquet ni le Procureur de Muramvya n’ont répondu aux sollicitations de l’organisation.
« Il est plus que temps que cette enquête aboutisse et que l’on sache enfin ce qui est arrivé au journaliste Jean Bigirimana, déclare Clea Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF. Quelles que soient les responsabilités, il faut faire toute la lumière sur cette affaire et mettre un terme à l’impunité qui ne fait qu’accroître un climat de terreur, pas seulement pour les journalistes mais aussi pour l’ensemble des Burundais. Or, il semble qu’à ce stade les autorités burundaises n’ont toujours pas joint leur parole aux actes. Le gouvernement burundais qui se plaint régulièrement d’être victime d’ingérence internationale à ici, avec ce cas emblématique, la possibilité de mener une investigation en toute souveraineté. »
L’affaire Jean Bigirimana reste un sujet qui dérange. Son épouse, qui a continué à appeler à la vérité, a fait l’objet de menaces répétées. Le 23 juin 2016 elle a trouvé devant sa porte un tract la menaçant et lui demandant de démentir toutes les déclarations qu’elle avait faites au sujet de son mari. Elle a apporté cette lettre à la police de sa commune qui n’a pris aucune mesure de protection ou ni ouvert d’enquête. Quelques jours plus tard, le porte-parole de la Police nationale burundaise (PNB) déclarait même dans Iwacu ne pas avoir été saisi de ces menaces.
Le Burundi a perdu 15 places au Classement RSF de la liberté de la presse depuis le début de la crise. Il occupe aujourd’hui la 160ème position. La situation de la liberté de la presse y est considérée comme « très grave ».
En 2015, RSF a lancé une pétition pour l’ouverture d’une enquête qui a récolté plus de 11 000 signatures.