Le Conseil national de la presse a suspendu le journal "Le Temps" pour 12 parutions pour avoir repris un article critiquant une rencontre à la Maison Blanche.
(CPJ/IFEX) – New York, le 04 août 2011 – Le gouvernement du président ivoirien, Alassane Ouattara, qui s’est engagé à respecter la démocratie lors d’une rencontre vendredi dernier avec le président américain, Barack Obama, a suspendu un journal pour avoir repris un article critiquant cette rencontre à la Maison Blanche, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Lundi dernier, Eugène Dié Kacou, le président, nommé par M. Ouattara, du Conseil national de la presse (CNP), a suspendu le journal Le Temps, un quotidien proche de l’ancien président destitué, Laurent Gbagbo, pour 12 parutions pour un article repris vendredi dernier critiquant le président Ouattara, selon des médias.
« La suspension du journal Le Temps pour la reprise d’un article critiquant le président Alassane Ouattara semble être un acte de censure politique », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons au Conseil national de la presse de la Côte d’Ivoire d’annuler cette suspension immédiatement parce qu’elle est contraire aux valeurs démocratiques que M. Ouattara a publiquement juré de défendre à Washington », a-t-il martelé.
L’article en question, écrit par Hassane Magued, un bloggeur critique à l’égard de M. Ouattara, a été initialement publié le 26 juillet dernier sur LynxTogo.info, un site Web d’information basé en Allemagne, selon des recherches du CPJ. Son auteur a traité M. Obama de « chef de gang » et les présidents récemment élus du Bénin, du Niger, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire de « Daltons noirs de l’Afrique », une allusion aux hors-la-loi américains du 19ème siècle immortalisés dans la série de bande dessinée intitulée Lucky Luke, tout en décrivant un complot présumé entre ceux-ci pour s’emparer des richesses de l’Afrique.
Dans sa décision, le CNP a qualifié ces écrits « d’injures, de délits inacceptables » et d’accusations gratuites contre des chefs d’État, selon des recherches du CPJ. Cependant, des journalistes ivoiriens ont dit au CPJ que des journaux pro-Ouattara ont déjà publié de très virulents articles anti-Gbagbo sans avoir subi de sanctions. Dans une interview avec le CPJ, le président du CNP a rejeté les allégations selon lesquelles le CNP a un parti pris pour le gouvernement Ouattara, faisant allusion à des suspensions de journaux pendant les trois régimes les plus récents en Côte d’Ivoire. « Nous sommes à l’aise. Nous avons suspendu des journaux pro-Ouattara, pro-Gbagbo et pro-Bédié », a déclaré M. Kacou.
Le CNP avait précédemment suspendu le quotidien Le Temps pour six éditions pour avoir publié le 11 juin dernier un article du journaliste Germain Sehoué alléguant que le gouvernement Ouattara était dominé par les groupes ethniques du nord de la Côte d’Ivoire, selon des médias. Le CNP avait également suspendu M. Sehoué pour deux mois, l’accusant d' »incitation à la haine tribale et à la révolte » et de « menace à la consolidation de la paix en Côte d’Ivoire ».