"Nous exhortons l'ensemble des parties au conflit à garantir la protection des journalistes, insiste RSF. De leurs côtés, les médias et les professionnels de l'information doivent faire preuve d'indépendance et de professionnalisme, jouant leur rôle de contre-pouvoir, en n'alimentant pas les tensions et différends politiques et confessionnels."
Un cameraman de la chaîne satellitaire Al-Ahad TV, Khaled Ali Hamada, a été tué à Diyala (nord-est de Bagdad) ce lundi 16 juin 2014. Un journaliste de la chaîne, Moataz Jamil Hassan a lui été grièvement blessé. Khaled Ali Hamada est le premier professionnel de l’information à trouver la mort en Irak dans l’exercice de ses fonctions depuis le début de l’offensive des rebelles islamistes, parmi lesquels des djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (ISIS) accompagnés de certaines tribus sunnites, dans le nord et l’ouest du pays début juin. Al-Ahad TV est liée à un groupe islamiste chiite, Kutla ‘Asaib Ahl Al-Haq à Diyala.
« Nous exhortons l’ensemble des parties au conflit à garantir la protection des journalistes, insiste Reporters sans frontières. De leurs côtés, les médias et les professionnels de l’information doivent faire preuve d’indépendance et de professionnalisme, jouant leur rôle de contre-pouvoir, en n’alimentant pas les tensions et différends politiques et confessionnels. » L’article 79 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 ainsi que la résolution 1738 de 2006 consacrant leur protection doivent être respectées.
Le 15 juin, le correspondant de la chaîne Al-Sharqiya News Minas Al-Souhil, et son cameraman, ont été arrêtés par les forces de sécurité à Bagdad, alors même qu’ils avaient l’autorisation délivrée par le Commandement des opérations à Bagdad.
Le correspondant de la chaîne Al-Sharqiya dans la province de Diyala, Halmi Kamal, a quant à lui été enlevé le 15 juin par des individus armés dans la ville de Baqubah (55 km au nord-est de la capitale). Il a été libéré quelques heures plus tard.
Les combattants d’ISIS ont pris le contrôle des locaux des chaînes Al-Mossuliya TV à Mossoul, mais aussi Sama Al-Mosul et Al-Ghad. Ils ont également procédé à la fermeture d’un certain nombre de chaînes locales. Dans la ville de Tikrit, ils contrôlent toujours la chaîne Salaheddine TV depuis fin décembre 2013.
Réseaux sociaux et télécommunications
Suite à l’offensive militaire de ISIS, les autorités irakiennes ont pris un certain nombre de mesures relatives aux communications. Le 13 juin, à la demande du gouvernement irakien, les sociétés de télécommunications Asiacell et Norooz Telecom (kurde) ont annoncé la suspension de leurs services dans les villes de Kirkouk et Mossoul. La Toile est également visée. Le ministère irakien des Communications a demandé aux fournisseurs d’accès à Internet de bloquer certains sites de réseaux sociaux], tels que Facebook, Twitter et YouTube, ainsi que d’autres services comme Skype, Viber ou Whatsapp.
Le ministre des Communications a annoncé le 15 juin que cette décision a été prise afin de contrer l’offensive d’ISIS dont les combattants utilisent les réseaux sociaux. Twitter avait fermé la veille les comptes twitter ouverts d’ISIS.
Dans le collimateur des autorités
Sont dans le collimateur des autorités les chaînes Al-Arabiya et Al-Hadath, toutes deux financées par l’Arabie saoudite et diffusées depuis les Emirats arabes unis.
Le 14 juin dernier, le Premier ministre Nouri Al-Maliki a ouvertement menacé de fermer les bureaux de ces chaînes, et d’interdire à leurs équipes de travailler. En cause, leur couverture des événements, accusée d’être biaisée. Al-Arabiya et Al-Hadath avaient notamment relayé les discours de certains hommes politiques irakiens qui exigeaient, à l’aune de cette crise, la démission Nouri Al-Maliki et la mise en place d’un gouvernement de transition. Al-Arabiya a également couvert, en direct, les attaques et les avancées des rebelles, soulignant la déroute de l’armée irakienne.
Mohamed Abdel Jabar Al-Shabout, directeur du Iraqi Media Network (IMN), pour les radios et les chaînes de télévision, a déclaré le lendemain que le réseau n’hésiterait pas à exclure les médias qui ne soutiendraient pas le gouvernement et l’armée et qui diffuseraient des informations fausses. Il a ajouté que les portes de l’IMN seraient en revanche ouvertes aux indépendants d’Al-Arabiya et Al-Hadath quidémissionneraient.
L’ensemble de l’équipe de la chaîne ANB a présenté sa démission le 14 juin dernier pour protester contre le manque de neutralité de la chaîne dans sa couverture des événements, notamment des combats entre l’armée régulière irakienne et ISIS. Le propriétaire de la chaîne est Nazmi Waji, ancien employé du ministère du Pétrole et originaire de la province de Kirkouk, est accusé de fraude et de détournement de fonds.