(RSF/IFEX) – Le 13 mai 2003, à l’issue du procès d’Ali Lmrabet, directeur de publication des hebdomadaires « Demain Magazine » et « Douman », et correspondant de RSF au Maroc, le procureur du roi a requis la peine maximale – cinq ans de prison et 100 000 dirhams d’amende (environ 11 500 $US ; 10 000 euros) – […]
(RSF/IFEX) – Le 13 mai 2003, à l’issue du procès d’Ali Lmrabet, directeur de publication des hebdomadaires « Demain Magazine » et « Douman », et correspondant de RSF au Maroc, le procureur du roi a requis la peine maximale – cinq ans de prison et 100 000 dirhams d’amende (environ 11 500 $US ; 10 000 euros) – et l’interdiction de ses deux publications. Ce réquisitoire est intervenu alors que le journaliste entamait son huitième jour de grève de la faim pour protester, notamment, contre les pressions à l’encontre de son imprimeur.
« Nous sommes consternés par ce réquisitoire et rappelons que, dans un document du 18 janvier 2000, Abid Hussain, Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a demandé ‘à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d’emprisonnement’ et précisé que ‘l’emprisonnement en tant que condamnation de l’expression pacifique d’une opinion constitue une violation grave des droits de l’homme’. Par ailleurs, comment accorder crédit à un tribunal qui doit juger ‘au nom du roi’ des délits qui auraient porté atteinte à ce même roi ? Comment ne pas suspecter de partialité un jugement rendu par des magistrats dont l’avenir professionnel dépend du Conseil supérieur de la magistrature présidé par le (…) roi ? » a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation. Et d’ajouter : « Ces poursuites n’ont aucun sens dans un pays qui se réclame de la démocratie. Tout cela est ubuesque, moyenâgeux, inique. Ce que l’on reproche à Ali Lmrabet n’est, ni plus ni moins, qu’un crime de lèse-majesté ».
« Nous demandons aux autorités marocaines de mettre un terme à leurs pressions sur les imprimeurs contactés par ‘Demain Magazine’ et ‘Douman’. Le harcèlement, le véritable acharnement dont est l’objet Ali Lmrabet constituent une claire mise en garde pour d’autres titres indépendants », a poursuivi Ménard.
À l’issue de l’audience du 13 mai, le procureur du roi a requis contre Lmrabet la peine maximale – cinq ans de prison et 100 000 dirhams d’amende -, l’interdiction de ses deux publications et l’arrestation immédiate du prévenu (en application de l’article 400 du code de procédure pénal). Le journaliste a, alors, été retenu par des policiers durant une dizaine de minutes. Ce n’est qu’à la suite des protestations de ses avocats que cette dernière mesure a été levée.
Lmrabet comparaissait devant la justice pour « outrage à la personne du roi », « atteinte à l’intégrité territoriale » et « atteinte au régime monarchique », suite à une série d’articles et dessins sur la liste civile royale votée au Parlement (document officiel du ministère des Finances distribué aux parlementaires), l’histoire de l’esclavage, un photomontage mettant en scène des personnalités politiques du royaume et les extraits d’une interview d’un républicain marocain qui se prononçait notamment pour l’autodétermination du peuple sahraoui.
Début mai, le directeur de Ecoprint avait informé Lmrabet qu’il n’imprimerait plus ses deux publications suite aux pressions dont il était l’objet. Il a ensuite déclaré qu’il était en désaccord avec la ligne éditoriale de ces journaux.
Le 6 mai, Lmrabet a entamé une grève de la faim pour, notamment, « faire valoir [ses] droits », « faire cesser les intimidations répétées contre [son] imprimeur et d’autres disposés à imprimer [ses] journaux », et « respecter [sa] liberté de circulation ». Le 17 avril, alors que le journaliste s’apprêtait à prendre un vol pour Paris, depuis l’aéroport de Rabat, deux agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST) l’avaient interdit de sortie du territoire « sur instruction de la DST ». Les autorités marocaines étaient revenues sur cette décision la semaine suivante.
En novembre 2001, le journaliste avait déjà été condamné, en première instance, à une peine de quatre mois de prison et une amende de 30 000 dirhams (environ 3 500 $US ; 3 000 euros) par le tribunal de Rabat. Le journaliste était poursuivi pour « diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public ou susceptibles de lui porter atteinte » (consulter des alertes de l’IFEX du 2 janvier 2002, 27, 13 et 10 décembre, 22 et 1er novembre 2001) . L’article de « Demain Magazine » intitulé « Le Palais de Skhirat serait en vente », publié le 20 octobre 2001, avait été qualifié par le procureur de « tissu de fausses informations et d’allégations totalement mensongères ».
À l’issue d’une mission dans le royaume du 22 au 27 avril, RSF a publié un rapport sur la liberté de la presse au Maroc, intitulé « Le rappel à l’ordre de la presse indépendante ». L’intégralité du rapport de mission de RSF ainsi que les dessins, photomontage et articles pour lesquels Lmrabet est poursuivi, sont consultables sur le site de l’organisation : http://www.rsf.org.