Les avocats de la défense ont décidé de se retirer de l'affaire dans laquelle est poursuivi le journaliste Mouldi Zouabi.
(OLPEC/IFEX) – Le 6 octobre 2010 – Les avocats de la défense ont décidé aujourd’hui 6 octobre de se retirer de l’affaire dans laquelle est poursuivi le journaliste Mouldi Zouabi pour ne pas servir de caution à une mascarade judiciaire. L’affaire est renvoyée devant un tribunal de 1e instance et Zouabi risque 2 ans de prison ferme.
L’affaire dans laquelle est poursuivi le journaliste Mouldi Zouabi, et dont la 5e audience s’est tenue aujourd’hui 6 octobre devant le tribunal cantonal de Jendouba, vient de prendre un tournant grave qui a incité les avocats de la défense à se retirer en bloc, soulignant ainsi leur désespoir de voir la justice adopter une attitude neutre.
Les avocats constatent que depuis le 14 juillet, date de la 1e audience, les actes d’atteinte aux droits de la défense se sont multipliés ; la Cour a délibérément ignoré les demandes de la défense, notamment la demande de confrontation entre les parties qui n’a jamais eu lieu à aucune étape de l’investigation judiciaire ainsi que la présentation des témoins devant la cour. La cour a également refusé d’ouvrir une enquête sur les faits avérés d’agression subie par Mouldi Zouabi de la part de ce même plaignant et d’entendre ses témoins. En contre partie, le Tribunal a exaucé la requête d’examen médical de l’avocat du plaignant, qui a refusé de se présenter devant la Cour depuis le début de la procédure. Le plus surprenant est qu’elle ait autorisé que cet examen s’effectue en dehors de la compétence territoriale de la cour, ce qui constitue une violation supplémentaire de la procédure.
Lors de cette audience du 6 octobre, les avocats ont eu la surprise de voir versé au dossier un certificat médical attestant d’une incapacité permanente du plaignant de 6% ! Ce taux d’incapacité est absolument fantaisiste rapporté aux faits exposés à la Cour; selon les avocats de Mouldi Zouabi, cela est comparable à des atteintes générées par un accident de la route et n’est pas crédible.
Conformément au code de procédure pénale, la conséquence d’un tel développement est que le tribunal cantonal de Jendouba devra se déclarer incompétent ; et effectivement le tribunal s’est dessaisi aujourd’hui de l’affaire qui devra être renvoyée devant un tribunal de première instance, ce qui implique une requalification des faits et expose Mouldi Zouabi à une peine de 2 ans de prison ferme.
Par son retrait, le collectif de défense de Zouabi a déclaré « refuser de servir de caution à une mascarade judiciaire où les critères élémentaires d’un procès équitable font défaut ».
RAPPEL DES FAITS :
Alors qu’il s’attendait à être convoqué en tant que plaignant dans l’affaire où il avait été agressé par un membre de la milice du parti au pouvoir, Mouldi Zouabi, grand reporter à Radio Kalima et membre fondateur du Pen Club Tunisie, a reçu une convocation à comparaitre devant le tribunal cantonal de Jendouba le 14 juillet 2010, pour répondre de l’accusation de « violences et injures publiques » contre son agresseur, le dénommé Khalil Maaroufi.
Les faits remontent au 1er avril 2010, jour où le journaliste a été agressé par un homme de main connu pour être proche de la police. L’agression avait eu lieu devant le poste de police central du district de Jendouba devant lequel passait le journaliste ; l’individu était descendu de sa voiture, lui a demandé s’il s’appelait bien Mouldi Zouabi et dès que ce dernier avait répondu par l’affirmative, il s’est jeté sur lui en le frappant avec ses brodequins, le rouant de coups et brisant ses lunettes de vue ; Le barbouze a proféré des menaces contre lui en l’insultant vulgairement, le traitant de « traitre à la partie » qui « salit l’image du pays » et qui « va payer cher sa trahison. Alors qu’il était à terre, il lui a arraché ses papiers d’identité, sa carte bancaire, son permis de conduire, sa carte de presse de la FIJ, son audio recorder ainsi que d’autres documents personnels qui ne lui ont pas été restitués.
Mouldi Zouabi avait déposé le jour même une plainte au parquet de Jendouba après avoir été examiné par un médecin qui lui a délivré un certificat médical attestant des blessures provoquées par l’agression. Les avocats de la Ligue des droits de l’homme de la section de Jendouba l’avaient accompagné au tribunal et constaté l’état dans lequel il se trouvait. Cette plainte qu’il avait déposée a été classée pour « insuffisance de preuves » et son agresseur le poursuit pour les faits dont lui même avait été victime ! Mouldi Zouabi est célèbre pour les reportages sociaux qu’il effectue dans la région défavorisée du Nord-ouest et qui mettent à nu la propagande trompeuse du régime sur les réalisations économiques et l’éradication de la pauvreté.
Il subit pour cette raison une répression constante. Son domicile est sous une surveillance permanente de policiers en civil qui harcèlent sa famille. Sa connexion Internet continue d’être arbitrairement coupée depuis le début du mois de février 2010 malgré un recours en justice qu’il a introduit ; Il avait été arrêté le 28 janvier 2010 au commissariat de Montplaisir à Tunis et détenu durant plus de huit heures, alors qu’il s’apprêtait à faire une interview avec Mohamed Bouebdelli, directeur de l’Université Libre de Tunis.
L’OLPEC et le CNLT :
• constatent que cette nouvelle poursuite contre un journaliste, se produit dans le contexte de la promulgation d’une nouvelle loi appelée « la loi des traitres » qui criminalise toute forme de critique à l’égard de la politique du gouvernement. Mouldi Zouabi est aussi accusé d’être un traitre qui « porte atteinte à l’image du pays » ;
• dénoncent ce harcèlement judiciaire et le déni d’accès à la justice dont est victime Mouldi Zouabi, comme nombre de défenseurs de droits humains ; un déni qui coïncide avec une prétendue « réforme de la justice » conduite avec des fonds de l’Union européenne.
• exigent l’arrêt des poursuites contre le journaliste Zouabi et la libération du journaliste Fahem Boukaddous et que cessent les harcèlements contre les journalistes et les medias indépendants.