Le projet de loi C-30 va bien trop loin en entérinant une surveillance disproportionnée de tous les internautes, et en permettant aux autorités d’obtenir des renseignements d’utilisateurs sans mandat judiciaire, selon RSF.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières fait part de sa vive inquiétude au sujet du projet de loi C-30, également appelé Protecting Children from Internet Predators Act, déposé à la Chambre des Communes le 14 février 2012 par le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews.
“La lutte contre la pédopornographie en ligne est un but légitime, mais elle ne doit pas se faire au détriment de la protection des droits et libertés s’exerçant sur le web. Le projet de loi C-30 va bien trop loin en entérinant une surveillance disproportionnée de tous les internautes, et en permettant aux autorités d’obtenir des renseignements d’utilisateurs sans mandat judiciaire. La lutte contre la cybercriminalité ne doit pas se faire aux dépens du respect de la vie privée et de la présomption d’innocence”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le projet de loi durcit le dispositif légal existant en matière d’accès aux données personnelles d’utilisateurs, et accroît les prérogatives de la police pour lutter contre la cybercriminalité. Les fournisseurs d’accès Internet (FAI) et opérateurs de téléphonie mobile pourraient ainsi être obligés de mettre en place des outils pour surveiller et enregistrer les communications de leurs abonnés. Les autorités mandatées pourraient obtenir l’accès à l’historique des activités en ligne d’utilisateurs (des 90 derniers jours). Même sans mandat, tout officier de police aurait le droit d’exiger des entreprises de télécommunications qu’elles fournissent des renseignements sur leurs clients (nom, adresse, numéro de téléphone, adresse mail, adresse IP et nom de l’entreprise de télécommunications). La police pourrait également installer, sans mandat judiciaire, un dispositif permettant de relever l’adresse IP de tout appareil connecté à Internet.
À l’heure actuelle, les FAI peuvent refuser de donner les renseignements personnels de leurs clients aux services de police. Quand ils acceptent de coopérer, un délai d’une dizaine de jours est nécessaire.
La commissaire canadienne à la vie privée, Jennifer Stoddart, a exprimé son inquiétude et annoncé que la commission rendrait bientôt un rapport plus détaillé sur le projet de loi C-30. Face aux protestations de l’opposition et de mouvements de protection de la vie privée tels que Unlawful access, et aux critiques naissantes au sein même du parti conservateur au pouvoir, Vic Toews s’est dit prêt à apporter quelques amendements au texte, le 18 février dernier. Le projet de loi C-30 sera d’ailleurs envoyé en comité parlementaire avant d’être voté une première fois à la Chambre des Communes, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une modification du texte.
Reporters sans frontières appelle le gouvernement canadien à revoir le projet de loi de façon à limiter les prérogatives de la police en matière d’accès aux données d’utilisateurs. Les autorités ne doivent pas imposer aux intermédiaires techniques la surveillance de leurs utilisateurs. En outre, les limites du cadre d’application de ce texte doivent être clairement définies pour éviter tout usage abusif du projet de loi C-30. Le gouvernement n’a pour le moment donné aucune garantie satisfaisante quant à l’encadrement des autorités sollicitant l’accès légal aux données d’utilisateurs.
De son côté, l’organisation Open Media souligne sa campagne Stop Online Spying ( http://openmedia.ca/StopSpying ), lancée en septembre dernier, avec une pétition contre le projet de loi C-30.