En l’espace de cinq jours, quatre journalistes nigériens ont été interpellés. Boubacar Diallo, président de l’association Maison de la presse, dit que la bonne image qu’avait le Niger au plan international depuis ces trois dernières années a été ternie par une action du pouvoir.
Reporters sans frontières s’inquiète du durcissement de l’attitude des autorités nigériennes envers les médias. En l’espace de cinq jours, quatre journalistes nigériens ont été interpellés.
Le 27 janvier 2014 dans l’après midi, Zakari Adamou, présentateur d’une émission de débat sur la chaîne de télévision privée Canal 3, ainsi que le directeur du journal l’Union invité sur le plateau, Ousmane Dan Badji, ont été convoqués par la police afin d’être questionnés. A l’heure où nous écrivons ces lignes, ils sont toujours en garde à vue dans l’attente d’être déferrés devant le Parquet. Il leur est reproché d’avoir « commis des délits par voie de presse » et des « dénonciations calomnieuses » au cours d’un débat télévisé le 14 janvier 2014. Un membre de la société civile invité de l’émission est également retenu.
Cette arrestation fait suite à celle de deux autres journalistes. Soumana Idrissa Maïga, directeur du quotidien privé L’Enquêteur, a été arrêté le 23 janvier 2014 et est poursuivi pour « complot contre la sûreté de l’Etat et recel de malfaiteurs » après la publication d’un article dans son journal le 17 janvier dernier. Abdoulaye Maman, journaliste et animateur du débat en langue hausa, Gaskya, sur la chaîne de télévision Bonferey, a quant à lui été arrêté le 25 janvier 2014, accusé d’avoir « commis des délits par voie de presse » pour les propos tenus lors du débat qu’il animait.
Si le procureur a autorisé leur libération le 27 janvier 2014, leurs avocats n’ont pas à ce jour reçu de notification les assurant que les charges contre leurs clients ont été définitivement abandonnées.
Reporters sans frontières demande l’abandon de toute poursuite envers les journalistes ainsi que la libération immédiate des deux journalistes encore détenus.
Interviewé par Reporters sans frontières, Boubacar Diallo, président de l’association Maison de la presse, nous livre son analyse :
Boubacar Diallo, vous êtes président de la Maison de la presse à Niamey au Niger. Quelle est votre réaction face à ces multiples arrestations de journalistes au cours des derniers jours ?
Boubacar Diallo : « Nous sommes surpris et très choqués par ces arrestations. C’est un gâchis. La bonne image qu’avait le Niger au plan international depuis ces trois dernières années a été ternie en deux jours par cette action du pouvoir. »
Pourquoi pensez-vous que le pouvoir a durci le ton envers les médias ces derniers jours ?
« Le pouvoir est acculé par des diverses crises et s’en prend donc aux journalistes qui expriment des opinions et organisent des débats, ce qui ne plait pas aux autorités. Par ailleurs, certains journalistes ne savent pas consolider les acquis démocratiques, ce qui révolte les dirigeants. Ce changement brusque de comportement constitue un problème car ce n’est pas la loi sur la presse qui est appliquée pour ces journalistes mais le code pénal. »
En tant que président de la Maison et la Presse et journaliste, qu’attendez-vous ?
« Nous attendons que les pouvoirs publics respectent les textes de loi qui régissent la communication au Niger. Un journaliste doit répondre de ses actes mais dans le cadre de la loi sur la presse (ndlr : et ne devrait donc pas être maintenu en garde à vue). Nous souhaitons également que le président de la république respecte les engagements pris en 2011 en faveur de la liberté de la presse. Nous lançons aussi un appel aux journalistes afin qu’ils fassent l’effort de respecter les règles du métier, de déontologie. Qu’ils évitent de rentrer sur des terrains qu’ils ne maîtrisent pas et qu’ils évitent d’être utilisés soit par le pouvoir soit par l’opposition. «
Le Niger se situe à la 43e place, sur 179 pays, dans le classement mondial 2013 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.