(CPJ/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du CPJ adressé au président congolais Joseph Kabila, daté du 15 juin 2006: Le 15 juin, 2006 Son Excellence Joseph Kabila Président de la République Démocratique du Congo c/o L’Ambassade de la RDC aux Etats-Unis 1800 New Hampshire Avenue, NW Washington DC 20009 Fax: (202) 234-2609 Excellence Le Comité pour […]
(CPJ/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du CPJ adressé au président congolais Joseph Kabila, daté du 15 juin 2006:
Le 15 juin, 2006
Son Excellence Joseph Kabila
Président de la République Démocratique du Congo
c/o L’Ambassade de la RDC aux Etats-Unis
1800 New Hampshire Avenue, NW
Washington DC 20009
Fax: (202) 234-2609
Excellence
Le Comité pour la Protection des Journalistes est de plus en plus inquiet des attaques répétées contre les médias en République Démocratique du Congo. De telles attaques sont d’autant plus troublantes qu’elles interviennent dans un contexte de campagne électorale pour les élections présidentielle et législatives prévues le 30 juillet. Un journaliste a été libéré sous caution mercredi, mais un autre a été emprisonné depuis plus de six mois pour des raisons liées à son travail. Au moins deux stations de radio restent fermées suite à des attaques des forces de sécurité, tandis que des sources du CPJ rapportent qu’il y a eu au moins une agression violente contre un journaliste ces dernières semaines. En plus, le gouvernement refuse l’accréditation à un correspondant de Radio France Internationale (RFI).
Patrice Booto, éditeur du trihebdomadaire Le Journal et de son supplément Pool Malebo, est en prison à Kinshasa depuis le 2 novembre pour des articles parus dans ces deux journaux et indiquant que votre gouvernement a versé de fortes sommes d’argent au secteur éducatif de la Tanzanie. Le 30 mai, il a été condamné à six mois de prison et à une amende d’environ 500 dollars pour « offense au chef de l’Etat » et « outrage au gouvernement », selon l’organisation Journaliste en Danger (JED), basée à Kinshasa. Le tribunal avait décidé qu’il pouvait recouvrer sa liberté après paiement de l’amende, puisqu’il avait déjà purgé sa peine. Le journaliste a payé l’amende, selon JED. Toutefois, le procureur de la république a fait appel du verdict le 2 juin et Booto reste toujours en prison. Mercredi, un tribunal de Tshikapa a libéré le journaliste Pierre-Sosthène Kambidi sous caution, en attendant une décision en appel suite à une condamnation pour diffamation dans un cas qui l’oppose à un chef de la police locale. En attendant, Kambidi doit se tenir à la disposition du tribunal, et est interdit de quitter la ville.
En plus des emprisonnements fréquents de journalistes en RDC, des stations de radio locales ont été attaquées, selon les sources du CPJ. La récurrence de tels actes a conduit l’Association de radios communautaires (ARCO) à proposer que le 17 juin soit une « journée de silence radio » pour protester contre les attaques que subissent ses membres.
Dans la ville orientale de Kabambare, la station de radio communautaire Tujenge Kabambare n’émet plus depuis la destruction de son matériel le 10 juin par un officier de l’armée congolaise, le capitaine Kengo Lengo, après la diffusion par la station d’informations sur de présumés abus commis par l’armée, selon l’ARCO. Lors d’une interview accordée à la radio Okapi, une station gérée par les Nations unies et l’ONG suisse Fondation Hirondelle, Kengo Lengo a cherché à justifier ses actes par le refus du directeur de la station de répondre à une convocation.
A Kinshasa également, la Radiotélévision Message de Vie (RTMV) n’émet plus depuis le sabotage de ses émetteurs par des assaillants armés le 22 mai, selon une source contactée à la station. A présent, des soldats sont positionnés devant les locaux de la RTMV. Le 9 juin, Richard Mukendi Mukamba, un caméraman de la Radiotélévision Debout Kasai a été tabassé et lapidé par des assaillants non identifiés alors qu’il couvrait une manifestation dans la ville de Mbuji Mayi, selon des sources du CPJ. Le journaliste, qui souffre de blessures à la tête, a été hospitalisé. Sorti d’hôpital mardi, il a affirmé au CPJ qu’il était toujours en convalescence et que sa caméra a été volée par les assaillants.
Excellence, en plus de tout cela, votre gouvernement bloque l’accréditation de Ghislaine Dupont, l’envoyée spéciale de RFI chargée de couvrir les élections, en dépit du fait qu’elle a obtenu son visa. Dupont, qui se trouve dans le pays depuis avril, ne peut donc pas travailler. Dupont est une journaliste expérimentée, connue pour sa couverture des pays des Grands Lacs, et la RDC en particulier.
Excellence, nous vous prions de faire en sorte que Patrice Booto et Pierre-Sosthène Kambidi recouvrent leur liberté immédiatement, qu’il soit mis un terme au siège de la RTMV, que tous les auteurs d’attaques violentes contre les médias soient traduits en justice, et que les journalistes puissent effectuer leur travail sans crainte de représailles. Au moment où la RDC s’achemine vers ses premières élections démocratiques depuis son indépendance en 1960, il est vital que les médias puissent couvrir en toute liberté tous les domaines de la vie politique.
En vous remerciant de votre attention et dans l’attente d’une suite à la présente, veuillez, Excellence, recevoir nos sincères salutations.
Ann Cooper
Directrice