JED tient le gouvernement du Premier Ministre Matata Ponyo pour responsable de l’insécurité dans laquelle vivent les journalistes, et dénonce une politique d’intimidation destinée à faire taire les voix discordantes.
Cet article a été initialement publié sur jed-afrique.org le 6 novembre 2015.
A moins d’une semaine à peine, après la publication de son Rapport annuel appelant les autorités congolaises à mettre fin à l’impunité des attaques dirigées contre la presse, Journaliste en danger (JED) enregistre successivement, au moins quatre cas d’attaques flagrantes dirigées contre des journalistes. JED tient le gouvernement du Premier Ministre Matata Ponyo pour responsable de l’insécurité dans laquelle vivent les journalistes, et dénonce une politique d’intimidation destinée à faire taire les voix discordantes.
Selon des informations parvenues à JED, en moins d’une semaine, une série d’attaques et d’actes de censure ont été commis à l’encontre des journalistes et des médias dans plusieurs coins du pays par des agents des services de sécurité et des renseignements. Il s’agit, pêle-mêle de :
1. Clément Ngoyi, journaliste de Wantashi Télévision, station émettant à Lubumbashi, chef-lieu de la province de Haut-Katanga (Sud-Est de la RDC), qui a été passé à tabac, vendredi 6 novembre 2015, par un groupe d’individus sur ordre de M. Faustin Bokonda, député national et candidat président de Lupopo, un club de football de Lubumbashi.
Clément Ngoyi a été roué des coups en présence de Faustin Bokonda. Ce dernier a appelé à deux reprises le journaliste de le rejoindre dans un flat hôtel de la place pour le tournage de l’émission sportive intitulée « Analyse sport ». Se présentant au lieu de rendez-vous, Clément Ngoyi a été violemment pris à partie avant d’être violenté.
2. Bel Beya, journaliste indépendant à Kolwezi, chef-lieu de la province de Lualaba (Sud-Est de la RDC), a été arrêté, ce vendredi 6 novembre 2015 vers 7 heures, par un groupe d’éléments de la Garde Républicaine pour avoir filmé, à la gare de Kolwezi, des enfants qui se livraient à l’exploitation artisanale des déchets de cuivre près des rails. Le journaliste a été conduit et gardé dans le cachot de la Garde Républicaine avant d’être transféré dans les locaux de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) où il est encore détenu.
3. Les installations de la Radio Liberté, station émettant à Lisala, chef-lieu de la province de Mongala (Nord-Ouest de la RDC), ont été attaquées et la radio fermée, le 3 novembre 2015 dans la soirée, par un groupe d’agents de la police nationale congolaise qui y ont fait incursion pendant qu’un journaliste présentait son émission intitulée « La voix du Député ». Après avoir menacé les journalistes trouvés sur le lieu, ces agents ont ordonné aux journalistes de libérer les installations de ce média, avant de sceller les portes.
La veille, la Radio Liberté de Lisala a accordé la parole à deux députés nationaux qui ont émis leurs critiques sur les commissaires spéciaux nommés par le Chef de l’Etat congolais pour diriger les nouvelles provinces. Ces députés ont, au cours de cette émission, dénoncé un coup d’Etat Constitutionnel et diverses manœuvres mise en place par le pouvoir pour ne pas organiser les élections dans le délai prévu par la Constitution.
4. À Kinshasa, un journaliste est en détention à la prison centrale de Makala depuis plus d’une semaine. Il s’agit de Mambo Zampe, directeur du journal « La Signature » qui est poursuivi pour « atteinte et imputations dommageables » à M. Ilunga, ancien directeur général adjoint des Services des Entreprises Pétrolières (SEP/Congo).
Le journaliste a été arrêté, le jeudi 29 octobre 2015, par des inspecteurs judiciaires du Parquet de Grande Instance de Kinshasa/Gombe au moment où il venait de répondre à une convocation concernant l’article paru dans son journal le 7 janvier intitulé : « Il saigne à SEP Congo : 36 millions de dollars évaporés ». Détenu dans le cachot du parquet, Mambo Zampe a été transféré à la prison centrale de Makala le vendredi 30 octobre 2015.
5. Détenu illégalement pendant 20 jours dans le cachot des services des renseignements militaires d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu (Est de la RDC) où il était en mission de service, le journaliste Burundais de la Radio Publique Africaine (RPA), Egide Mwemero, a été transféré le dimanche 1er novembre 2015 à Bukavu, chef-lieu de la Province du Sud-Kivu, avant son acheminement, le mardi 3 novembre 2015 à Kinshasa où il est gardé dans un endroit secret.
Egide Mwemero a été arrêté, mardi 13 octobre 2015, alors qu’il travaillait avec deux journalistes congolais à la station de la Radio Le Messager du Peuple dans la cité d’Uvira. Les services des renseignements militaires « secteur opérationnel Sokola 2 » l’accuse de complicité avec «un réseau qui déstabiliserait Bujumbura, la capitale burundaise».
Journaliste en danger (JED) demande instamment aux autorités congolaises en charge de la justice, et de la sécurité, de lancer un appel urgent d’apaisement, et d’ordonner la libération de tous les journalistes détenus, et des médias fermés arbitrairement.