“Aucune opération de maintien de l’ordre ne peut justifier ces violentes attaques perpétrées contre les journalistes et ce média. Nous demandons au ministre de la Communication de s’assurer, comme il s’y est engagé, que toutes les personnes responsables de ces attaques odieuses soient poursuivies et sanctionnées." - RSF
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 16 septembre 2021.
Lors d’une manifestation organisée par l’opposition congolaise à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), des policiers ont agressé plusieurs journalistes et vandalisé les locaux d’un média. Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement ces attaques d’une rare violence et exige que des sanctions soient prises à l’encontre des coupables.
La vidéo est courte et violente. Diffusée hier, mercredi 15 septembre, sur les réseaux sociaux, elle montre pendant 30 secondes l’agression du correspondant de RFI et directeur du site d’informations Actualités CD Patient Ligodi, successivement interpellé, frappé, traîné au sol et jeté dans un véhicule de police qui démarre alors que le journaliste est plaqué sur les sièges arrière du véhicule avec ses jambes qui dépassent de la portière encore ouverte. Le journaliste couvrait une manifestation interdite par les autorités, qui s’est tenue mercredi 15 septembre à Kinshasa pour dénoncer la politisation de la Commission électorale. Libéré quelques heures plus tard, il a dû être hospitalisé à la suite de son interpellation.
Le ministre de la Communication Patrick Muyaya a déploré une “bavure policière” et annoncé l’ouverture d’une enquête afin d’élucider les circonstances de l’agression du journaliste et d’en sanctionner les auteurs.
L’agression de ce journaliste n’était malheureusement pas un acte isolé. Son confrère d’Actu 24 CD Louange Vangu a également été brutalisé par la police et s’est fait confisquer sa carte de presse. Les locaux de la RTVS1, média détenu par Adophe Muzito, un opposant au pouvoir et l’un des organisateurs du rassemblement, ont par ailleurs été vandalisés à coups de gaz lacrymogène, provoquant des dégâts matériels importants. Les journalistes qui se trouvaient dans les locaux ont été empêchés de travailler et retenus sur place jusqu’au soir par la police.
“Aucune opération de maintien de l’ordre ne peut justifier ces violentes attaques perpétrées contre les journalistes et ce média, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Nous demandons au ministre de la Communication de s’assurer, comme il s’y est engagé, que toutes les personnes responsables de ces attaques odieuses soient poursuivies et sanctionnées. Au-delà de la nécessaire réponse judiciaire, il est essentiel que les autorités congolaises adoptent enfin un mécanisme dédié à la sécurité des journalistes, sans quoi ces abus ne cesseront de se reproduire.”
RSF et son organisation partenaire Journaliste en danger (JED) plaident activement pour la mise en place d’un mécanisme national d’alerte pour la protection et la sécurité des journalistes afin de prévenir les attaques répétées contre la presse dans le pays.
Plusieurs reporters ont récemment été menacés ou agressés en RDC, à l’instar du journaliste de Canal Kin Télévision Dosta Lutula, attaqué en juillet dernier par des sympathisants de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti au pouvoir, qui l’accusaient d’”injurier le président”.
En août dernier, le journaliste Joël Musavuli avait quant à lui été froidement assassiné par des hommes armés dans la province d’Ituri, au nord-est du pays. Quelques jours auparavant avait été diffusée une émission dans laquelle il faisait état d’atteintes présumées aux droits humains commises par différentes factions durant l’état de siège, une mesure de pacification mise en place en mai en Ituri et dans le Nord-Kivu. Les assassins du journaliste n’ont toujours pas été identifiés à ce jour.
La RDC occupe actuellement la 149e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.