« Il ne s’agit là pas uniquement de forcer Ida Sawyer à quitter la République démocratique du Congo, mais d’une tentative effrontée d’étouffer les rapports sur la répression violente perpétrée par le gouvernement contre les partisans de la limitation des mandats présidentiels ».
Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 9 août 2016.
Le gouvernement de la République démocratique du Congo a empêché une chercheuse expérimentée de Human Rights Watch de continuer à travailler dans le pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La révocation par les autorités du permis de travail d’Ida Sawyer est la dernière tentative en date du gouvernement congolais d’entraver la circulation d’informations relatives aux droits humains, dans un contexte de répression gouvernementale accrue.
« La manœuvre du gouvernement congolais consistant à écarter une chercheuse expérimentée de Human Rights Watch sous couvert d’une histoire de visa d’établissement ne devrait tromper personne », a déclaré Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Right Watch. « Il ne s’agit là pas uniquement de forcer Ida Sawyer à quitter la République démocratique du Congo, mais d’une tentative effrontée d’étouffer les rapports sur la répression violente perpétrée par le gouvernement contre les partisans de la limitation des mandats présidentiels ».
Les autorités de l’immigration avaient renouvelé le visa d’établissement de trois ans d’Ida Sawyer en mai 2016, avant son expiration le 9 août. Mais le 3 juillet, l’immigration a annulé de manière inattendue et sans explication ce nouveau permis, alors qu’Ida Sawyer rentrait en RD Congo par l’aéroport international de Kinshasa-N’djili, à l’issue d’un voyage à l’étranger. Human Rights Watch a écrit aux autorités de l’immigration, exprimant sa préoccupation au sujet de cette décision inhabituelle et réclamant le rétablissement de ce permis. Les autorités ont alors demandé à Ida Sawyer de présenter une nouvelle demande de visa d’établissement.
Le 8 août, les autorités de l’immigration ont informé Ida Sawyer que sa demande était refusée et qu’elle devait quitter le pays dans les 48 heures. Aucune raison pour le refus de lui accorder un nouveau permis n’a été fournie. Ida Sawyer quittera la RD Congo dans les délais qui lui ont été impartis, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch est une organisation internationale indépendante qui effectue des recherches sur la situation en matière de droits humains en RD Congo depuis plus de 25 ans. Ida Sawyer vivait et travaillait pour Human Rights Watch en RD Congo depuis janvier 2008. Elle a effectué des recherches et accompli un travail de plaidoyer concernant un large éventail de violations des droits humains commises par le gouvernement et par des groupes armés non étatiques comme le M23 et l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA).
Depuis janvier 2015, le gouvernement congolais exerce une répression brutale à l’encontre de personnes qui se sont opposées ou ont exprimé leur opposition aux tentatives de maintenir le président Joseph Kabila au pouvoir au-delà des deux mandats consécutifs permis par la constitution, lesquels expirent le 19 décembre. Les préparatifs de l’élection présidentielle sont au point mort et de hauts responsables gouvernementaux affirment que l’élection ne peut se tenir avant la fin de l’année en raison d’obstacles techniques, logistiques et financiers.
Pendant cette période, les forces de sécurité du gouvernement ont procédé à des arrestations arbitraires de nombreux dirigeants et activistes d’opposition, ont tiré sur des manifestants pacifiques, ont interdit des manifestations de l’opposition, ont fermé des médias, ont accusé de jeunes activistes pro-démocratie et pacifiques de conspirer en vue de commettre des actes terroristes et ont empêché des dirigeants de l’opposition de se déplacer librement dans le pays. Au moins 14 activistes et opposants politiques sont toujours emprisonnés, sous des accusations fallacieuses.
Le gouvernement devrait enquêter de manière crédible et impartiale sur les abus dont sont accusés ses représentants et faire rendre des comptes aux personnes responsables, quel que soit leur titre ou leur grade, a déclaré Human Rights Watch.
Au cours des derniers mois, le gouvernement a élargi le champ de répression de ses détracteurs en forçant des responsables et des observateurs des droits humains internationaux à quitter la RD Congo. En octobre 2014, le gouvernement a expulsé le directeur du Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme en RD Congo, Scott Campbell, après la publication d’un rapport concernant des exécutions sommaires et des disparitions forcées lors d’une opération de police à Kinshasa. Le directeur du Groupe de recherche sur la RD Congo (Congo Research Group), Jason Stearns, a été contraint de quitter le pays en avril 2016 à la suite de la publication d’un rapport sur des massacres commis dans la région de Béni, dans l’est du pays. En juillet, les autorités ont forcé deux chercheurs de l’organisation internationale Global Witness à quitter la RD Congo alors qu’ils enquêtaient sur certaines pratiques en matière d’abattage de bois.
« Enfermer les militants congolais et forcer les observateurs des droits humains internationaux à quitter le pays sont le signe d’une tactique de gouvernement abusif », a affirmé Kenneth Roth. « Le gouvernement devrait s’attaquer sérieusement à l’amélioration des droits humains en libérant tous les prisonniers politiques et en permettant aux défenseurs des droits humains congolais et internationaux, dont Ida Sawyer, de continuer leur travail crucial. »