Le putsch du 22 mars a porté un coup dur à la situation dont pouvait se targuer le Mali auparavant : celle de modèle régional pour la liberté de l’information.
(RSF/IFEX) – Le 23 mai 2012 – Dans un contexte politique toujours instable, Reporters sans frontières revient sur les exactions commises, au cours des trois dernières semaines contre des journalistes et des médias.
« Alors que le chaos règne depuis le mois de mars dans le Nord du Mali, la persistance de violations de la liberté de la presse au sud du Mali, particulièrement dans la capitale, Bamako est intolérable. Elles démontrent que le putsch du 22 mars a en tout état de cause porté un coup dur à la situation dont pouvait se targuer le Mali auparavant : celle de modèle régional pour la liberté de l’information. On ne peut désormais plus compter sur les autorités pour laisser les médias travailler librement. La liste des atteintes aux droits des journalistes ne cesse de s’allonger », a déclaré Reporters sans frontières.
Disparition troublante d’un journaliste
Depuis le 12 mai 2012, Babi Ahbi, rédacteur en chef du périodique Agora, à Bamako, n’a pas donné de nouvelles. Sa famille, ses amis et ses collaborateurs s’inquiètent de cette disparition soudaine dans un climat peu sûr pour les professionnels des médias. Aucune hypothèse quant aux motifs de cette disparition n’a été avancée.
« Les autorités de police doivent faire la lumière sur cette disparition inquiétante, sans écarter la piste professionnelle. Qu’il ait été enlevé, emprisonné ou tué, son entourage doit connaître la vérité », a déclaré l’organisation.
Selon certaines sources de Reporters sans frontières, Babi Ahbi serait proche « des gens du Nord du Mali », territoire animé de velléités sécessionnistes.
Les sources des journalistes, cibles des services secrets
Le 12 mai, Birama Fall, le directeur de publication du bi-hebdomadaire Le Prétoire, a été interpellé par la sécurité d’Etat aux alentours de midi, au siège du journal, avant d’être relâché quatre heures plus tard. Interrogé dans les locaux de la sécurité d’Etat, les agents lui ont reproché une conversation téléphonique avec un ancien ministre. Ce dernier lui avait révélé l’emplacement d’un prétendu charnier, à Diago, à quelques kilomètres de Bamako, où seraient enterrés les bérets rouges, qui ont participé au contre Putsch du 30 avril 2012. N’ayant pu recouper l’information, le journaliste avait refusé de la publier.
Le 16 mai, Saouti Haïdara, le directeur de publication du quotidien privé L’indépendant, a été arrêté brièvement par trois agents de la sécurité d’Etat. Soumis au même sort que son confrère du journal Le Prétoire, il a été interrogé sur un article publié la semaine précédente. Cet article qui s’apparentait davantage à un tract, déconseillait aux maliens de sortir, ou de fréquenter les bâtiments militaires et publics, car un « certain » capitaine Touré menaçait de commettre des attentats à Bamako. Les services de renseignement voulaient connaître la source du journaliste.
« L’interpellation de ces deux journalistes révèle l’existence d’écoutes téléphoniques, ce qui constitue une atteinte grave aux droits des journalistes. Cette technique illégale associée aux interrogatoires met en danger les professionnels des médias et leurs sources. La mission d’information du public risque d’en être fortement impacté », a déclaré Reporters sans frontières.
Une radio vandalisée
A Koutiala (Centre), la radio Kayira a été attaqué le 30 avril par des étudiants, membres de l’association des élèves et des étudiants maliens (AEEM). Le propriétaire Oumar Mariko, député malien, a déploré la destruction des locaux et le vol d’équipements pour une perte totale d’environ 3,2 millions d’euros. La police est intervenue à temps pour empêcher les étudiants d’incendier les locaux de la station. Les étudiants suspectent Oumar Mariko d’être le commanditaire de la tentative d’assassinat du leader de l’AEEM, Hamadoun Traoré, survenu dans la nuit du 22 au 23 avril.
Trois semaines plus tard, les antennes de la radio Kayira de Bamako, et de Niolo demeurent toujours menacées de vandalisme.
« Sans entrer dans les règlements de compte politique, nous appelons les deux parties au dialogue afin que les locaux des médias soient épargnés par les violences. En ces temps de troubles politiques, il est impératif que les médias assurent leur mission de manière professionnelle et impartiale », a ajouté l’organisation de défense de la liberté d’information.