(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF daté du 8 octobre 2002 : Fallait-il bombarder la Radiotélévision de Serbie ? Le 7 octobre 2002, une délégation de Reporters sans frontières a été reçue par des responsables de l’OTAN afin de s’entretenir sur le bombardement controversé du siège de la Radiotélévision de Serbie (RTS), […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF daté du 8 octobre 2002 :
Fallait-il bombarder la Radiotélévision de Serbie ?
Le 7 octobre 2002, une délégation de Reporters sans frontières a été reçue par des responsables de l’OTAN afin de s’entretenir sur le bombardement controversé du siège de la Radiotélévision de Serbie (RTS), le 23 avril 1999, qui avait causé la mort de seize employés de la chaîne.
Robert Ménard, directeur de RSF, Soria Blatmann, responsable de la zone Europe et Alexandre Lévy, journaliste et auteur de plusieurs rapports d’enquête sur l’intervention de l’OTAN en Serbie, ont rencontré M. Edgar Buckley, secrétaire général adjoint de l’Alliance atlantique (OTAN) responsable de la planification et des opérations et Yves Brodeur, porte-parole et chef du service des relations avec la presse et les médias, accompagnés de plusieurs conseillers et fonctionnaires de l’Alliance atlantique.
Les interrogations de RSF portaient sur le choix du siège de la RTS comme objectif militaire, sur le principe de proportionnalité entre l’enjeu stratégique et le risque encouru par la population civile, ainsi que sur la question de l’avertissement « en temps utile et par des moyens efficaces » de la population civile de l’imminence d’une attaque militaire, comme le préconisent les Conventions de Genève.
M. Buckley a expliqué que la RTS avait été identifiée comme une cible militaire après un long processus de concertation entre les Alliés et après consultation de juristes, comme pour l’ensemble des sites bombardés. « L’immeuble de la RTS a été choisi uniquement pour des raisons militaires », a-t-il affirmé aux représentants de RSF.
Refusant de revenir sur les déclarations contradictoires faites, à l’époque des faits, par les responsables politiques de l’Alliance ou de ses pays membres, M. Buckley a néanmoins précisé « qu’un objectif militaire de l’OTAN n’est pas nécessairement une cible de nature militaire ».
Tout en déplorant les pertes civiles causées par ce bombardement, M. Buckley a estimé que les objectifs à la fois stratégiques et tactiques de ce bombardement ont été atteints. « Nous avons toujours pris nos décisions en essayant de réduire au maximum les risques pour les civils. Seize morts, c’est trop, et nous le regrettons », a-t-il commenté. Toutefois, M. Buckley a indiqué que le principe de proportionnalité a été respecté.
A ce jour, aucune mesure d’indemnisation des familles des victimes du bombardement de la RTS n’a été prise par l’OTAN et l’organisation n’envisage pas cette option, a-t-il été communiqué à Reporters sans frontières.
Concernant la question de « l’avertissement en temps utile et par des moyens efficaces », M. Buckley a réaffirmé que les responsables de l’Alliance n’ont délivré aucun avertissement spécifique à l’égard du régime de Milosevic. « Nous n’avons pas averti de l’imminence de cette frappe afin de préserver la vie de nos pilotes et pour éviter que le régime n’installe un bouclier humain sur cette cible. » Il n’a pas souhaité commenter les nombreuses informations faisant état d’avertissements informels de l’imminence de cette attaque, delivers à l’intention de certains journalistes, voire de responsables serbes, par des diplomates et des militaires occidentaux.
Pour étayer leur argumentation, M. Buckley et ses collègues se sont à plusieurs reprises appuyés sur les recommandations du Rapport du Comité chargé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) d’examiner la campagne de bombardement menée par l’OTAN, publié le 13 juin 2000, selon lesquelles « ni une enquête en profondeur concernant la campagne de bombardement ni des investigations sur des incidents spécifiques ne se justifient ».
« Nous continuerons d’agir uniquement dans le cadre de la loi internationale » pour ce qui concerne le traitement des journalistes et des médias en temps de conflit par l’OTAN, a assuré M. Buckley, tout en admettant qu’il ne s’agissait pas « d’un processus figé, mais dynamique ».
Craignant que l’attaque militaire contre la RTS ne constitue un dangereux précédent ouvrant la voie à d’autres actions de ce type contre des médias dans les conflits à venir, RSF a pris la décision de saisir le Comité international de la Croix-Rouge afin que cet organisme précise ou approfondisse sa position sur le rôle des médias et des journalistes en temps de conflit.