(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 23 avril 2001 : Projet d’amendement du Code pénal RSF interpelle les députés algériens et une délégation européenne en visite à Alger Alors que le projet d’amendement du code pénal est actuellement présenté devant le Parlement, Reporters sans frontières (RSF) appelle les députés algériens […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 23 avril 2001 :
Projet d’amendement du Code pénal
RSF interpelle les députés algériens et une délégation européenne en visite à Alger
Alors que le projet d’amendement du code pénal est actuellement présenté devant le Parlement, Reporters sans frontières (RSF) appelle les députés algériens à rejeter ce texte qui renforce les peines d’emprisonnement et les amendes pour les délits de presse. Le 22 avril, le ministre de la Justice, Ahmed Ouyahia, a justifié ce projet devant les députés en parlant du « trop » de liberté dont dispose aujourd’hui la presse algérienne. « Nous comptons arrêter l’insulte, l’injure et la diffamation », a-t-il déclaré. Pour RSF, l’adoption de ce texte constituerait un grave recul pour la liberté de presse qui est déjà fragile en Algérie. L’organisation rappelle qu’en janvier 2000, Abid Hussain, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a demandé « à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d’emprisonnement, sauf pour des délits tels que les commentaires racistes ou discriminatoires ou les appels à la violence ». D’autre part, le fait d’infliger des amendes exorbitantes constituera un moyen sûr de fermer les journaux critiques envers les autorités.
RSF demande également à la délégation européenne qui se rendra à Alger, le 24 avril, d’aborder la question de la législation sur la presse avec les autorités algériennes. Alors que l’Union européenne et l’Algérie ont repris les négociations en vue de la signature d’un accord d’Association, l’organisation rappelle que celui-ci comprend une clause dite « des droits de l’homme ». L’article 2 stipule, en effet, que les relations entre les parties se fondent sur le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme, dont la liberté de la presse. Or si ce projet d’amendement du Code pénal est adopté par l’Assemblée, il représentera une grave atteinte à la liberté d’expression.
La présentation de ce projet de loi devant l’Assemblée intervient alors que trois journalistes viennent d’être condamnés à des peines de prison pour « diffamation ». Le 7 avril 2001, le tribunal d’Oran a condamné à six mois de prison Arab Izarouken, directeur de publication de La Voix de l’Oranie, et Aouari Abdelkrim, chef de la rubrique locale du même journal. Les deux hommes étaient poursuivis pour avoir publié une lettre ouverte, le 1er novembre 2000, intitulée « Aux charognards de la mafia politico-administrative et financière d’Oran ». Une personnalité locale y avait qualifié nommément quatorze personnes « de mafia locale, responsable de la dilapidation du foncier à Oran ». Les journalistes ont fait appel.
Le 17 avril 2001, Ahmed Benaoum, directeur de publication du quotidien arabophone, basé à Oran, Al Raï, a été informé par le tribunal d’Oran que la Cour suprême avait confirmé sa condamnation à deux mois de prison pour « diffamation », décision datant du 12 juillet 2000. Le même jour, il apprenait par ce même tribunal qu’il ne serait pas écroué puisqu’il avait été gracié par le Président, le 30 octobre 2000 ! A ce jour, Ahmed Benaoum a reçu la notification de la grâce mais pas celle de la condamnation. Ne comprenant pas ces décisions de justice, le directeur d’Al Raï a décidé de demander une enquête auprès du ministre de la Justice. Ahmed Benaoum était poursuivi pour avoir publié un article, le 3 décembre 1998, mettant en cause un sénateur dans une affaire de corruption.
La première des dispositions de ce projet d’amendement – article 144 bis – stipule que toute personne qui « offense » le président de la République par une expression « outrageante, injurieuse ou diffamatoire que ce soit par voie d’écrits, de dessins, de déclarations ou de tout autre support électronique, informatique ou informationnel » est passible d’un « emprisonnement de un à trois ans » et d’une « amende de 100 000 dinars (1 500 euros) à 1 millions de dinars (15 000 euros) » ou de « l’une de ces deux peines à la fois ». Par ailleurs, l’article 144 bis 1 précise que « lorsque l’infraction visée à l’article 144 bis est commise par l’intermédiaire d’une publication quotidienne, hebdomadaire ou autre, les poursuites sont engagées contre l’auteur de l’offense, les responsables de la publication et de la rédaction ainsi qu’à l’encontre de la publication elle-même ». Dans ce cas, les auteurs de l’infraction sont punis d’un « emprisonnement de un à trois ans » et d’une « amende de 100 000 dinars à 1 millions de dinars » ou de « l’une de ces deux peines seulement ». De son côté, la publication encourt une amende de « 500 000 dinars (7 500 euros) à 5 millions de dinars (75 000 euros) ». Dans ces deux cas, les poursuites peuvent être engagées directement par le ministère public. En cas de récidive, les peines d’emprisonnement et les amendes sont « portées au double ». Toutes ces sanctions sont également applicables dans le cas où les délits sont commis à l’encontre du « Parlement ou de l’une de ses deux Chambres, de l’ANP » (l’Armée nationale populaire) mais aussi de toute « autre institution publique ou tout autre corps constitué ».