Alors que l’Islande vient de dépénaliser le blasphème six mois après l’attentat contre Charlie Hebdo, Reporters sans frontières (RSF) exhorte les pays de l’Union européenne où ce délit figure encore dans leur législation, à faire de même.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 juillet 2015.
Alors que l’Islande vient de dépénaliser le blasphème six mois après l’attentat contre Charlie Hebdo, Reporters sans frontières (RSF) exhorte les pays de l’Union européenne où ce délit figure encore dans leur législation, à faire de même.
« La liberté d’expression est l’un des plus importants piliers de la démocratie. » En approuvant ce texte, extrait du projet de loi voté la semaine dernière au Parlement, l’Islande a abrogé le délit de blasphème qui était dans sa législation depuis 1940. Une décision hautement symbolique six mois après les attentats de janvier en France. « La liberté ne cédera pas face aux attaques sanglantes », ont affirmé les trois parlementaires du Parti pirate, auteurs du texte, qui ont, à tour de rôle, répété à la tribune : « Je suis Charlie ».
Si le projet de loi a logiquement suscité de vives polémiques dans l’île, il a aussi rassemblé un large consensus parmi les représentants religieux. L’un des principaux évêques de l’église luthérienne, courant représentant 80% de la population, a indiqué que “n’importe quel pouvoir législatif limitant la liberté d’expression […] [était] en décalage avec les conceptions modernes à l’égard des droits de l’homme”.
Reporters sans frontières (RSF) salue la décision islandaise de moderniser sa législation. « Le blasphème ne peut en aucun cas constituer une limite à la liberté d’expression ou à la liberté de la presse, consacrée par l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, rappelle Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF. Il est aujourd’hui primordial que les pays de l’Union européenne retirent ce délit de leur droit national”.
Une demi-douzaine de pays européens disposent toujours d’une loi anti-blasphème : l’Allemagne, le Danemark, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, Malte, les Pays-Bas, et la Pologne où de nombreux artistes sont régulièrement condamnés.
Mais ces textes sont toutefois peu appliqués en Europe. Dans la très catholique Irlande notamment, le délit de blasphème qui a été étendu en 2009 à toutes les religions, n’a jamais été utilisé. Un débat est d’ailleurs ouvert depuis les évènements tragiques de Charlie Hebdo pour abroger cette loi.
Si le blasphème ne constitue plus un délit en France depuis 1789, l’Alsace-Moselle a hérité du droit allemand de l’après-1870. Les représentants des cultes catholique, protestant, juif et musulman, avaient proposé, la veille de l’attaque de Charlie Hebdo en janvier dernier, d’abroger cette législation, jamais appliquée depuis 1918, devant l’Observatoire de la laïcité. RSF leur demande de renouveler leurs efforts en ce sens.
RSF tient à rappeler que la notion de blasphème peut s’avérer dangereuse lorsqu’elle est utilisée afin de restreindre la liberté d’expression, tel que le décrit le rapport publié en 2013 par l’organisation “Blasphème : l’information sacrifiée sur l’autel de la religion ». Le document évoque notamment l’instrumentalisation politique de l’“offense à la religion” qui, dans certaines régions du globe, demeure cruellement punie.
En 2014, l’Arabie saoudite (164e) et l’Iran (173e) figurent parmi les pays les plus intransigeants en matière de blasphème, en réprimant durement les journalistes et les blogueurs. Le 7 mai 2014, Raïf Badawi, co-fondateur du site d’information Saudi Liberal Network est condamné à une peine de dix ans de prison ferme assortie de 1000 coups de fouet. Son crime : avoir “créé et modéré un site Internet diffusant des propos offensant les figures religieuses officielles”.