Alors que le journaliste Xiang Nanfu a recouvré la liberté, l'utilisation de ses "confessions", diffusées sur CCTV13 le 13 mai dernier pour l'incriminer, reste illégale.
Alors que le journaliste Xiang Nanfu a recouvré la liberté, l’utilisation de ses « confessions », diffusées sur CCTV13 le 13 mai dernier pour l’incriminer, reste illégale. Reporters sans frontières appelle le Conseil de l’Union européenne à prendre des sanctions contre les responsables de la chaîne CCTV13, coupables de violations du droit à un procès équitable.
Reporters sans frontières prend connaissance avec satisfaction de la remise en liberté du reporter Xiang Nanfu. Ce journaliste freelance, contributeur du site Boxun, auteur de révélations sur la confiscation de terres par les autorités et sur le trafic d’organes avait été arrêté le 3 mai dernier. Une dizaine de jours plus tard, il était apparu sur la chaîne étatique CCTV 13, confessant « avoir calomnié le Parti et le gouvernement ». Sa remise en liberté le 19 août a été justifiée par la police par « son mauvais état de santé, et surtout en raison de sa relative bonne conduite, en ce qui concerne la reconnaissance de sa culpabilité ». Il avait été d’être accusé par la police d’avoir reçu des sommes d’argent venant de l’étranger, et ses articles avaient été décrits comme portant atteinte à l’image du pays. Les « aveux » de Xiang Nanfu étaient intervenus quelques jours après ceux de la célèbre journaliste Gao Yu, le 8 mai 2014. Cette pratique des aveux forcés, extorqués pour discréditer ces acteurs de l’information, avait également été utilisée en novembre dernier à l’encontre de Chen Yongzhou, et en septembre 2013 contre le blogueur et homme d’affaire Charles Xue.
« Si nous sommes soulagés de la libération de Xiang Nanfu, nous sommes extrêmement choqués de la façon dont elle a été obtenue. Les autorités chinoises bafouent leur propre justice en faisant « confesser » publiquement des crimes dont journalistes sont innocents. Le procédé des aveux forcés n’a aucune autre finalité que la destruction de toute crédibilité des personnes incriminées, affirme Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Nous appellons le Conseil de l’Union européenne à prendre des sanctions contre la chaîne de télévision CCTV 13 et ses responsables, le directeur du groupe China Central Television (CCTV), Hu Zhanfan, ainsi que Jiao Li et Zhang Changming qui sont respectivement membre du conseil et vice-président de CCTV, pour avoir diffusé ces aveux forcés. Ceci est intolérable de la part d’un média, même sous contrôle. »
Cette mesure serait conforme à une décision précédente de l’Union européenne. Par sa décision 2013/124/PESC de mars 2013, le Conseil de l’Union européenne avait jugé certains dignitaires iraniens coupables d’atteinte au droit à un procès équitable, en plus de constituer une complicité de torture dans la mesure où des violences sont souvent utilisées pour faire « avouer » les prisonniers. Les diffusions des aveux forcés auxquelles le public chinois a pu assister ont été faites dans des conditions similaire à celles mises en cause par le Conseil de l’Union européenne.
La Chine occupe la 175e place sur 180 pays dans le classement annuel de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.