Reporters sans frontières (RSF) a appelé les autorités à rejeter le projet de loi “lex TVN” tout comme les lourdes restrictions contre la liberté de la presse imposées arbitrairement par l’état d’urgence sur la frontière avec le Bélarus.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 septembre 2021.
Malgré son rejet par le Sénat polonais, la “lex TVN”, qui met en péril TVN, le principal groupe de médias indépendant du pays, peut toujours être adoptée, et la licence de sa chaîne TVN24 non-renouvelée. Lors d’une mission à Varsovie, Reporters sans frontières (RSF) a appelé les autorités à rejeter ce projet de loi tout comme les lourdes restrictions contre la liberté de la presse imposées arbitrairement par l’état d’urgence sur la frontière avec le Bélarus.
Une délégation de Reporters sans frontières (RSF) s’est rendue à Varsovie les 9 et 10 septembre pour déclarer “l’état d’urgence de la liberté de la presse en Pologne”, et demander à la chambre basse du parlement (Sejm), et au président de rejeter la “lex TVN”, qui forcerait le géant américain Discovery à devenir minoritaire dans le capital du groupe audiovisuel TVNen Pologne sous menace de perte des droits de diffusion. Le chef de l’Etat, Andrzej Duda, a suggéré d’apposer son véto à la « version actuelle » de l’amendement à la loi sur la diffusion audiovisuelle. Une option qu’il n’a pas encore confirmée.
“Les objectifs de l’amendement ‘lex TVN’ défendu par le pouvoir sont très clairs : d’abord affaiblir puis prendre le contrôle de cette source majeure d’information indépendante dans ce grand pays européen. S’en prendre à TVN, c’est attaquer la liberté de la presse en Europe, » a déclaré le responsable du bureau UE/Balkans de RSF, Pavol Szalai, lors d’une manifestation organisée par le mouvement citoyen La Grève des femmes devant le Sénat polonais, le 9 septembre. Le lendemain, il a également plaidé pour l’octroi de la licence à TVN24 et contre “lex TVN” lors de sa rencontre avec le président du KRRiT, Witold Kołodziejski.
Le Sénat polonais, dominé par l’opposition, a rejeté le 9 septembre la loi “lex TVN », mais la chambre basse, contrôlée par le gouvernement du parti PiS, a la compétence de passer outre. Elle peut voter cet amendement – visant le plus grand groupe de médias indépendant – dès cette semaine, ou bien faire durer le suspense afin de laisser TVN sous pression.
L’autorité de surveillance de l’audiovisuel, le KRRiT, n’a toujours pas renouvelé la licence de la chaîne d’information continue du groupe, TVN24, qui expire le 26 septembre, alors que le groupe l’a demandé il y a déjà un an. Les membres du KRRiT, nominés pour la plupart par les partis du gouvernement, ont publiquement évoqué plusieurs raisons possibles du non-renouvellement, dont la base juridique reste pourtant floue. TVN24 a toutefois dû se tourner en urgence vers les Pays-Bas pour se voir octroyer une licence l’autorisant à émettre ses programmes dans l’Union européenne.
L’attaque contre le groupe TVN marque une étape supplémentaire dans le projet de « repolonisation » des médias privés mis en œuvre par le gouvernement cette année. Sous couvert de lutte contre les ingérences étrangères dans le débat public, il cherche en réalité à influencer la stratégie éditoriale des médias polonais en faveur de l’exécutif.
Le sort de TVN pourrait suivre celui de Polska Press, le plus grand réseau des médias régionaux, racheté récemment par la compagnie pétrolière PKN Orlen contrôlée par l’Etat, qui n’a, depuis, pas hésité à se séparer des journalistes critiques. Quant aux médias publics, leur transformation en outils de propagande a été achevée avec perfection, comme l’a dénoncé RSF à la suite d’une nouvelle série de licenciements abusifs en 2020.
Dernier signe de l’aggravation alarmante de la liberté de la presse en Pologne : l’interdiction aux journalistes, par la déclaration d’un état d’urgence, de couvrir des sujets d’intérêt général à la frontière avec le Bélarus. Décrété par le président le 2 septembre, puis validé par le Sejm quatre jours plus tard, ce dispositif a été justifié par la situation migratoire et un exercice militaire russe dans la région. Si le journaliste Bartlomiej Bublewicz et son caméraman du site Onet.pl ont pu pénétrer dans la zone frontalière la semaine dernière, ils ont appris à leur retour qu’ils étaient poursuivis pour violation de l’état d’urgence et captation en images de la frontière.
Après avoir appelé à l’abandon des charges à leur égard, RSF s’est entretenu avec Bartolomej Bublewicz lors de son déplacement à Varsovie et lui a exprimé son soutien.
Depuis le retour au pouvoir du PiS en 2015, la Pologne a chuté de 46 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, et se situe désormais à la 64e position sur 180 pays.