(RSF/IFEX) – La loi « Gasparri » sur la réforme du système audiovisuel a été adoptée par le Parlement italien le 2 décembre 2003. La loi, dont l’objectif officiel est de préparer le passage à la télévision numérique terrestre, permet la possession d’intérêts plurimédias, réforme les limites antitrust et la composition du conseil d’administration de la télévision […]
(RSF/IFEX) – La loi « Gasparri » sur la réforme du système audiovisuel a été adoptée par le Parlement italien le 2 décembre 2003. La loi, dont l’objectif officiel est de préparer le passage à la télévision numérique terrestre, permet la possession d’intérêts plurimédias, réforme les limites antitrust et la composition du conseil d’administration de la télévision publique RAI. Le président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, dispose d’un délai d’un mois pour approuver le texte ou le rejeter, s’il estime qu’il n’est pas en accord avec les principes constitutionnels.
« Cette réforme, qui sert à l’évidence les intérêts du groupe Mediaset, propriété de Silvio Berlusconi, représente un danger pour l’autonomie de la télévision publique et une menace pour le pluralisme de l’information. Nous vous demandons de refuser de valider ce texte, au nom de la liberté de la presse », a écrit Robert Ménard, secrétaire général de RSF, dans un courrier adressé au président Ciampi. « La concentration, entre les mains d’une seule personne, d’un véritable empire médiatique et du pouvoir politique est une anomalie unique en Europe. La loi sur l’audiovisuel ainsi que le projet de loi sur le conflit d’intérêts ne font qu’aggraver cette situation. L’Union européenne donnerait ainsi un bien mauvais exemple aux pays qui doivent encore intégrer les principes de la liberté de la presse et de la démocratie », a-t-il ajouté.
Le texte lève l’interdiction faite à une même personne de détenir plus de deux chaînes nationales hertziennes. Berlusconi, président du Conseil, peut ainsi conserver la propriété de ses trois chaînes nationales (Italia 1, Canale 5 et Retequattro). La Cour constitutionnelle avait pourtant exigé le passage de la chaîne Retequattro sur le satellite au 1er janvier 2004, pour respecter les lois de la concurrence.
Le texte lève également l’interdiction de la détention d’intérêts plurimédias. Les propriétaires de télévisions pourront désormais acquérir des quotidiens, et réciproquement. Mais, dans la pratique, la situation financière de la presse écrite ne devrait pas permettre une telle réciprocité. À partir du 1er janvier 2009, le propriétaire de plus d’une chaîne de télévision pourra faire des acquisitions dans la presse. De fait, Berlusconi était déjà propriétaire de Mondadori, l’un des principaux groupes de presse et d’édition du pays.
Par ailleurs, la loi « Gasparri » réforme les limites antitrust. Si le texte affirme qu’un propriétaire ne pourra pas détenir plus de 20 % des recettes publicitaires, l’assiette de calcul de ces recettes augmente considérablement, puisqu’elle est étendue non seulement aux spots télévisés mais aussi à l’édition, au cinéma et à la presse. La télévision publique RAI et Mediaset se partagent 93 % des investissements publicitaires de la télévision, dont 63 % pour le groupe Mediaset.
La réforme prévoit enfin une privatisation progressive et partielle de la RAI, ainsi qu’une modification de la composition de son conseil d’administration. La privatisation de la RAI commencera avant le 31 janvier 2004, mais les actionnaires ne pourront pas détenir plus de 1 % des parts, ce qui en laissera le contrôle aux mains du ministère de l’Economie. Le conseil d’administration du service public passera de cinq membres nommés par les présidents du Sénat et de la Chambre des députés à neuf membres, dont sept seront nommés par la Commission parlementaire de vigilance et deux par le ministère de l’Economie. Lucia Annunziata, présidente du conseil d’administration de la RAI, a annoncé qu’elle démissionnera si la loi est validée par le président Ciampi.
RSF rappelle que le projet de loi sur le conflit d’intérêts doit encore être approuvé par le Sénat. Si le texte affirme que la gestion d’une entreprise à but lucratif est incompatible avec une charge gouvernementale, il n’y a pas de conflit d’intérêts si la gestion de cette société est confiée à une tierce personne. Or, Berlusconi n’apparaît dans aucun organigramme de ses propriétés, dont la gestion est confiée à sa famille ou à ses proches. Dans ce cas particulier, la question du conflit d’intérêts n’a donc plus lieu d’être.
Dans un rapport intitulé « Conflit d’intérêts dans les médias : l’anomalie italienne », publié en avril 2003, RSF a analysé les conséquences du conflit d’intérêts de Berlusconi sur le pluralisme de l’information en Italie, reléguée au 53e rang du classement mondial de la liberté de la presse en 2003.
L’intégralité du rapport est disponible en français, anglais et espagnol sur http://www.rsf.org