(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au roi Mohammed VI, RSF a vigoureusement protesté contre la décision du gouvernement d’interdire les trois hebdomadaires « Le Journal », « Assahifa » et « Demain ». Ils sont accusés d’avoir « porté atteinte à la stabilité de l’État » après avoir mis en cause l’actuel Premier ministre dans la tentative de coup d’État contre Hassan […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au roi Mohammed VI, RSF a vigoureusement protesté contre la décision du gouvernement d’interdire les trois hebdomadaires « Le Journal », « Assahifa » et « Demain ». Ils sont accusés d’avoir « porté atteinte à la stabilité de l’État » après avoir mis en cause l’actuel Premier ministre dans la tentative de coup d’État contre Hassan II, en 1972. Robert Ménard, secrétaire général de RSF, a demandé au roi d' »intervenir personnellement afin que cette décision soit annulée ». Pour l’organisation, cette mesure est « tout simplement consternante et absolument condamnable ». Elle est contraire à toutes les promesses faites par le nouveau monarque. L’organisation demande au roi de rompre définitivement avec « les mauvaises habitudes et les réflexes autoritaires ». Dans une précédente lettre, adressée au roi le 13 novembre 2000, RSF avait déjà dénoncé le fait que certains sujets devenaient tabous dès lors qu’ils « mettent en cause de hauts responsables de l’Etat ». Par ailleurs, RSF s’est étonnée qu’un gouvernement dirigé par le socialiste Abderrahmane Youssoufi utilise, pour interdire des journaux, un article du Code de la presse dont la formation politique du Premier ministre demandait la suppression lorsqu’elle était dans l’opposition.
Selon les informations recueillies par RSF, le ministre de la Culture et de la Communication, Mohamed Achaâri, a annoncé le 2 décembre au soir, « l’interdiction définitive de la parution [des] trois hebdomadaires » « Le Journal », « Assahifa » et « Demain » pour avoir « porté atteinte à la stabilité de l’État ». « Le Journal » et « Assahifa » avaient publié respectivement le 25 novembre et 1er décembre une lettre attribuée à l’ancien opposant Mohamed Basri, affirmant que la gauche marocaine était mêlée à la tentative de coup d’État de 1972 contre le roi Hassan II, et mettant directement en cause l’actuel Premier ministre et président de l’Union socialiste des forces populaires (USFP – gauche), Youssoufi. Ali Lmrabet, directeur de « Demain », affirme ne pas comprendre pourquoi sa revue est également interdite : « Comme beaucoup d’autres titres de la presse marocaine, mais pas plus que d’autres, nous avons simplement fait état des révélations du ‘Journal' ».
Selon un communiqué remis par Achaâri à la presse, la décision du gouvernement est « conforme à la protection des intérêts de la nation et du caractère sacré de ses institutions ». Elle s’appuie sur l’article 77 du Code de la presse qui, selon le ministre, donnerait le droit au Premier ministre d’interdire une publication si son contenu porte atteinte aux fondements de l’État.
Déjà, le 4 octobre, lors d’un briefing sur la position du Maroc concernant le Sahara occidental, le ministre de l’Intérieur en personne, Ahmed Midaoui, avait menacé publiquement Aboubakr Jamaï, directeur de publication du « Journal ». Faisant référence à un entretien de l’hebdomadaire avec le président du Front Polisario, le ministre avait déclaré au journaliste : « Si vous refaites ce genre d’interview avec un membre du Front Polisario, je vous interdirai une nouvelle fois … Heureusement que vous n’êtes pas mon fils, sinon je vous aurais cassé la gueule ! »
Depuis le 1er janvier, sept journaux, dont deux français – « Jeune Afrique – L’intelligent » et « Le Figaro » – ont été ponctuellement interdits de diffusion par les autorités marocaines. Trois journalistes de France 3 – Joseph Thual, cameraman, Jean-Marc Pitt, rédacteur et Michel Bernasconi, monteur – ont été assignés à résidence, du 8 au 10 octobre, à Errachidia (est du Maroc) pour avoir filmé des sites militaires. Enfin, le 4 novembre, le ministère de la Culture et de la Communication a retiré son accréditation à Claude Juvénal, chef du bureau de l’agence française Agence France Presse, à Rabat. Les autorités marocaines reprochaient au journaliste de s’être « écarté de l’éthique et de la déontologie de la profession en prenant des initiatives à caractère hostile au Maroc et à ses institutions ».
Les articles incriminés sont disponibles sur le site de RSF : www.rsf.fr