(RSF/IFEX) – Vladimir Chumachenko, responsable de l’enquête sur le meurtre de Véronika Cherkasova, retrouvée assassinée à son domicile de Minsk le 20 octobre 2004, s’obstine à privilégier la piste passionnelle et familiale. Alors que la journaliste travaillait sur d’éventuelles ventes d’armes de l’Etat biélorusse au régime de Saddam Hussein, l’enquêteur a ordonné, le 31 janvier […]
(RSF/IFEX) – Vladimir Chumachenko, responsable de l’enquête sur le meurtre de Véronika Cherkasova, retrouvée assassinée à son domicile de Minsk le 20 octobre 2004, s’obstine à privilégier la piste passionnelle et familiale. Alors que la journaliste travaillait sur d’éventuelles ventes d’armes de l’Etat biélorusse au régime de Saddam Hussein, l’enquêteur a ordonné, le 31 janvier 2005, un nouvel examen psychiatrique d’Anton Filimonov, le fils de 15 ans de la victime. Chumachenko, qui avait échoué dans l’enquête sur la disparition du cameraman Dmitri Zavadski, a notamment déclaré le 10 février, lors d’une interview à Radio Free Europe/Radio Liberty : « Dans le meurtre de Véronika Cherkasova, nous n’excluons aucune hypothèse, pas même celle de la présence de Martiens (. . .). »
RSF s’inquiète de cet « acharnement contre la famille qui privilégie la piste passionnelle et exclut la piste professionnelle, alors que plusieurs éléments concordants tendent à prouver que Véronika Cherkasova a très vraisemblablement été assassinée parce qu’elle travaillait sur une enquête particulièrement sensible. Par ailleurs, nous espérons que l’enquête dirigée par Vladimir Chumachenko est menée dans un souci de totale impartialité et qu’elle est motivée par un désir de faire toute la vérité sur cette affaire. Par conséquent, nous demandons à l’enquêteur Vladimir Chumachenko et au ministre de l’Intérieur d’étudier la piste professionnelle, qui nous paraît la plus probable ».
Le 21 janvier, Sergei Satsuk, reporter du quotidien indépendant « Belorusskaya Delovaya Gazeta » (« Le journal des affaires biélorusses »), a publié sa propre enquête accréditant clairement la thèse d’un assassinat lié aux activités journalistiques de Cherkasova. S’appuyant sur les conclusions d’un expert en criminologie, il explique que la journaliste a très vraisemblablement été tuée par un assassin professionnel qui aurait maquillé le meurtre en crime passionnel. Une fois l’assassinat accompli, le meurtrier aurait couvert les murs de sang, faisant croire à une altercation familiale qui aurait mal tourné. Aucun autre signe de lutte n’a par ailleurs été relevé dans l’appartement, à part un verre brisé, retrouvé sur un tapis. Du sang avait en outre été découvert sur le carnet de notes de la victime, mais les enquêteurs n’ont pas encore déterminé ce que l’assassin y cherchait.
Par ailleurs, environ un mois avant sa mort, la journaliste de « Solidarnost », un journal syndical indépendant critique à l’égard du gouvernement, travaillait sur d’éventuelles ventes d’armes de l’Etat biélorusse au régime de Saddam Hussein et sur une affaire de blanchiment d’argent sale. Son enquête s’était concentrée sur le financement de contrats militaires avec l’Irak par la société Infobank. Elle avait alors rencontré à plusieurs reprises à Minsk un ancien collaborateur d’Infobank qui avait travaillé sur les contrats avec l’Irak et dont elle avait fait connaissance lors d’un voyage de presse organisé à Bagdad par cette société, trois ans auparavant.
L’enquête se concentre actuellement sur la famille de la victime. Le premier procureur adjoint de Minsk, Nikolai Starovoitov, a signé la demande d’examen psychiatrique de Filimonov, exigée par l’enquêteur Chumachenko. Les enquêteurs ont justifié cette décision, arguant de la mauvaise foi du fils de la victime pendant les interrogatoires. Cet examen viserait également à déterminer si le jeune homme souffrait de troubles psychiatriques lors de l’assassinat de sa mère. Souffrant d’une dépression nerveuse post-traumatique, Filimonov avait fait un séjour en hôpital psychiatrique, du 29 novembre au 16 décembre 2004. Le 1er février, des enquêteurs du bureau du procureur se sont présentés à son école afin de le reconduire en hôpital. Le jeune homme s’est alors enfui et a regagné le domicile de ses grands-parents. Le 2 février, il a pris un vol pour Moscou afin de rejoindre son père, journaliste du quotidien « Izvestias ». Le 22 février, la cour Tsentralny de Minsk, réunie à huis clos, a rejeté la requête de la mère de la journaliste, Diana Cherkasova, qui demandait une annulation de la décision du juge concernant un nouvel examen psychiatrique de son petit-fils. Le jugement en appel auprès de la cour de Minsk était attendu le 4 mars.
Vladimir Melechko, beau-père de la victime, est également considéré comme suspect par les enquêteurs. Inquiet de ne pouvoir la joindre, il avait découvert le corps de la journaliste tuée d’une douzaine de coups de couteau à son domicile.
L’enquêteur Chumachenko fut déjà le responsable de l’enquête sur la disparition du journaliste de télévision ORT Dmitri Zavadski, le 7 juillet 2000. Plus de quatre ans après les faits, l’enquête est close et les responsables de l’enlèvement du jeune cameraman n’ont toujours pas été identifiés. L’éventuelle implication des plus hautes autorités de l’Etat dans cette affaire n’a toujours pas fait l’objet d’une véritable enquête.