(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée à Donald H. Rumsfeld, secrétaire d’État américain à la Défense, RSF a exprimé sa très vive préoccupation après la destruction des bureaux de la télévision Al-Jazira par un tir attribué à des avions américains. « Si l’ordre a été donné aux forces américaines de détruire les locaux de cette télévision […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée à Donald H. Rumsfeld, secrétaire d’État américain à la Défense, RSF a exprimé sa très vive préoccupation après la destruction des bureaux de la télévision Al-Jazira par un tir attribué à des avions américains. « Si l’ordre a été donné aux forces américaines de détruire les locaux de cette télévision arabe, il s’agirait d’une attaque d’une extrême gravité contre la liberté de la presse », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. Malgré les premières déclarations d’un porte-parole américain qui a affirmé qu’Al-Jazira n’était pas visée, l’organisation a demandé au secrétaire d’État de fournir des informations plus précises sur cet incident. « Mettre en péril la vie de journalistes et détruire tout le matériel d’une chaîne de télévision privée est indigne d’une démocratie », a ajouté Ménard.
Selon les informations recueillies par RSF, l’armée des États-Unis aurait bombardé, dans la matinée du 12 novembre 2001, les locaux de la chaîne de télévision du Qatar Al-Jazira à Kaboul. Alors que les premiers groupes de soldats de l’Alliance du Nord pénétraient dans la ville abandonnée par les taliban, des avions de chasse américains auraient pris pour cible les locaux de la télévision. Aucune victime n’est à déplorer, mais le matériel est totalement détruit. En effet, le missile n’a pas explosé au moment de l’impact. Des responsables de la chaîne d’information en arabe ont affirmé que l’armée américaine connaissait parfaitement la localisation de ses bureaux. Il pourrait donc difficilement s’agir d’une erreur. Mais selon certaines sources, les taliban disposaient également de bureaux dans cet édifice. Un porte-parole américain a déclaré, le 13 novembre, que le bâtiment était visé car il abritait des éléments d’Al-Qaida sans avoir l’intention cependant de s’en prendre à la chaîne de télévision. Par ailleurs, le correspondant de la chaîne, Taysser Allouni, et les douze autres employés de la chaîne à Kaboul, ont été portés disparus du lundi 12 novembre au soir jusqu’au mercredi 14 novembre, mais ils sont « sains et saufs ». Avant de quitter la ville, les taliban avaient demandé aux journalistes de se regrouper dans l’hôtel Intercontinental. Allouni était le seul journaliste étranger autorisé par les taliban à travailler à Kaboul depuis le 11 septembre. Son collègue, Youssef al-Shouli, correspondant de Al-Jazira à Kandahar, a quitté le fief des taliban pour le Pakistan. Les responsables de la chaîne redoutaient des actes de vengeance des combattants afghans contre les journalistes arabes.
Depuis le début de la guerre entre les États-Unis et le régime taliban, la chaîne Al-Jazira est l’objet de nombreuses critiques de la part des autorités de Washington. Le 2 octobre, RSF s’était alarmée des déclarations du secrétaire d’État, Colin Powell, tenues à l’égard d’Al-Jazira. Powell avait déclaré sur la chaîne de télévision américaine CBS qu’Al-Jazira « donne un temps et une attention très larges à certaines déclarations au vitriol » et « irresponsables ». Il a dénoncé la « rhétorique incendiaire » de la chaîne qatarie.
Enfin, RSF a rappelé que les forces américaines ont bombardé à plusieurs reprises les installations et les bâtiments de la radio, de la télévision et de publications contrôlées par les taliban.
Dans l’après-midi du 12 novembre, les locaux de la BBC et de l’agence Associated Press à Kaboul ont également subi des dégâts matériels après qu’une bombe a touché un bâtiment voisin. Le journaliste William Reeve de la BBC, qui était interviewé en direct lors de l’explosion, n’a pas été blessé.