(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 3 janvier 2002 : XXIe Sommet de l’Association de l’Asie du Sud au Népal Dégradation de la liberté de la presse dans la région Reporters sans frontières demande la libération des journalistes emprisonnés Alors que les chefs d’Etat du Bangladesh, du Bhoutan, de l’Inde, […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 3 janvier 2002 :
XXIe Sommet de l’Association de l’Asie du Sud au Népal
Dégradation de la liberté de la presse dans la région
Reporters sans frontières demande la libération des journalistes emprisonnés
Alors que les chefs d’Etat du Bangladesh, du Bhoutan, de l’Inde, des Maldives, du Népal, du Pakistan et du Sri Lanka sont réunis à Katmandou (Népal) pour la réunion de l’Association de l’Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC), Reporters sans frontières (RSF) dénonce une dégradation de la liberté de la presse dans la région. L’organisation lance, par ailleurs, un appel à la libération des quatorze journalistes emprisonnés dans les pays participants au sommet. Enfin, RSF attire l’attention des gouvernements sur le problème de l’impunité : près de 90 % des assassins et des agresseurs de reporters n’ont jamais été jugés.
La liberté de la presse bafouée
Depuis l’imposition de l’état d’urgence, en novembre 2001, la liberté de la presse n’est plus garantie au Népal. La presse est soumise à la censure et une quarantaine de journalistes ont été arrêtés par la police. Par ailleurs, les zones de conflit entre l’armée et la guérilla maoïste sont fermées à la presse. Le Bangladesh est le pays d’Asie du Sud et du monde où le plus grand nombre de journalistes ont été victimes d’agressions en 2001. Depuis l’élection, en octobre, de Khaleda Zia, les militants des deux principaux partis gouvernementaux (Bangladesh Nationalist Party et Jamaat-e-Islami) ont attaqué plus de cinquante journalistes. Le gouvernement ne fait rien pour faire cesser cette violence et, comme à l’époque du gouvernement de Sheikh Hasina, les agresseurs jouissent d’une regrettable impunité. Au Sri Lanka, les journalistes sont toujours victimes d’agressions et d’intimidations. Des reporters d’origine tamoule ont été directement accusés dans des publications gouvernementales d’être des « espions » des Tigres tamouls. Ces accusations font peser un grand risque sur leur vie. Au Pakistan, des dizaines de journalistes étrangers et pakistanais ont été détenus par les autorités, au cours des mois d’octobre et de novembre, pour avoir tenté de couvrir les événements dans les zones tribales (frontière avec l’Afghanistan).
En conclusion, RSF considère que la lutte contre le terrorisme et les mouvements armés ne peut être une excuse pour restreindre les libertés fondamentales. Ainsi, l’organisation déplore que l’adoption de lois antiterroristes, comme en Inde, soit l’occasion de faire adopter des propositions liberticides.
Quatorze journalistes emprisonnés
Le Népal, hôte du XXIe Sommet du SAARC, est le pays de la région où le plus de journalistes sont emprisonnés. Au moins neuf professionnels de l’information sont actuellement détenus. Parmi eux, huit journalistes et collaborateurs des publications promaoïstes Janadesh, Disabodh et Janadisha détenus au secret depuis plus d’un mois. Au Bangladesh, le journaliste Shahriar Kabir est détenu depuis plus quarante-trois jours pour avoir interviewé des réfugiés hindous en Inde, victimes de violences de la part de musulmans. RSF a récemment rencontré l’ambassadeur du Bangladesh en France pour protester contre l’inculpation de Shahriar Kabir pour « sédition ». Au Pakistan, deux journalistes sont détenus en vertu de la loi sur le blasphème. L’un d’eux, Ayub Khoso, a été condamné à dix-sept ans de prison. La loi sur le blasphème est, en 2001, devenue une menace bien réelle pour la presse pakistanaise : plus de dix journalistes ont été arrêtés et deux quotidiens fermés.
Lutter contre l’impunité
RSF demande aux gouvernements du SAARC de tout mettre en oeuvre pour lutter contre l’impunité dont jouissent les assassins de journalistes. Au Sri Lanka, les meurtriers du reporter de la BBC, Nimalarajan, n’ont toujours pas été identifiés, plus d’un an après le crime. Au Bangladesh, Joynal Hazari, le commanditaire de la tentative d’assassinat contre le journaliste Tipu Sultan, n’a toujours pas été appréhendé par la police.
La crise entre l’Inde et le Pakistan : une menace pour la liberté de la presse
Les risques d’une guerre entre les deux puissances nucléaires de la région sont également une menace pour la liberté d’expression. Première conséquence regrettable, l’Autorité des télécommunications du Pakistan a interdit, le 28 décembre, aux opérateurs de câbles pakistanais de diffuser les programmes indiens. Déjà, le gouvernement d’Islamabad avait refusé à la quasi-totalité des reporters indiens ou d’origine indienne des visas pour couvrir la crise afghane. En Inde, les risques pour les reporters augmentent avec l’intensification des affrontements entre les mouvements séparatistes cachemiris et l’armée indienne. En 2000, un attentat à Srinagar (capitale du Cachemire) avait causé la mort d’un journaliste. En 2001, plus de vingt journalistes ont été agressés par des éléments des forces de sécurité indiennes. La presse au Cachemire est par ailleurs soumise à la pression des mouvements armés qui la menacent de représailles si elle ne publie pas leurs communiqués.
Recommandations
– RSF demande aux pays membres du SAARC de respecter leurs engagements en matière de liberté de la presse, en libérant les journalistes emprisonnés dans leur pays. Seuls le Pakistan, les Maldives et le Bhoutan n’ont pas ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
– L’organisation demande aux pays membres de supprimer les législations qui prévoient des peines de prison pour des délits de presse. De telles lois existent dans tous les pays de la région. En imposant ainsi des sanctions disproportionnées par rapport au préjudice subi, ces lois favorisent, dans certains pays, l’autocensure des journalistes sur certains sujets. RSF rappelle que, dans un texte adopté en janvier 2000, Abid Hussain, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression des Nations unies, a clairement établi que « l’emprisonnement en tant que condamnation de l’expression pacifique d’une opinion constitue une violation grave des droits de l’homme ».