(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président ukrainien Leonid Koutchma, RSF a demandé, après la démission attendue du ministre de l’Intérieur Youri Kravtchenko, une enquête approfondie au sein même du ministère de l’Intérieur pour établir les éventuelles responsabilités, jusqu’au plus haut niveau, dans la surveillance, la disparition et l’assassinat du journaliste. RSF a par […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président ukrainien Leonid Koutchma, RSF a demandé, après la démission attendue du ministre de l’Intérieur Youri Kravtchenko, une enquête approfondie au sein même du ministère de l’Intérieur pour établir les éventuelles responsabilités, jusqu’au plus haut niveau, dans la surveillance, la disparition et l’assassinat du journaliste. RSF a par ailleurs proposé d’envoyer un expert médico-légal pour participer à une nouvelle expertise.
« Vous venez de reconnaître les graves manquements de l’enquête sur la disparition et l’assassinat de Géorgiy Gongadze et l’existence de zones d’ombre dans cette terrible affaire. Il est de votre responsabilité d’en tirer désormais pleinement les conséquences, et de prendre les décisions qui s’imposent. La démission attendue du ministre de l’Intérieur, Youri Kravtchenko, après celle du chef des services secrets, Leonid Derkatch, doit permettre désormais de mener une enquête approfondie au sein même de l’administration ukrainienne, » a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation.
« Nous vous demandons par ailleurs d’autoriser des experts internationaux à conduire une nouvelle autopsie du corps et tous les examens nécessaires pour faire la lumière sur les conditions de cet assassinat. Reporters sans frontières se propose d’envoyer un expert médico-légal pour participer à une nouvelle expertise. Nous avons également demandé au FBI de reprendre ses travaux et de conduire une nouvelle autopsie », a ajouté M. Ménard.
Il ne fait plus aucun doute, par ailleurs, que tout a été fait, dans les premières semaines suivant la découverte du cadavre de Gongadze, pour que ce corps ne puisse pas être identifié. Le fait que l’analyse ADN indépendante conduite en Allemagne ait été effectuée sur un morceau de peau n’appartenant pas au corps du journaliste renforce encore cette certitude. Nous vous rappelons que, début novembre 2000, alors que les autorités étaient informées que le corps retrouvé à Tarachtcha pouvait correspondre à celui du journaliste, les restes ont été maintenus treize jours dans la morgue locale, sans aucun moyen de conservation au froid. De plus, le corps a été transporté en secret à Kiev à l’insu du responsable de la morgue locale après que des proches avaient mis en évidence des éléments permettant de l’identifier. Quant à l’épouse de Géorgiy Gongadze, elle n’a été autorisée à voir le corps que le 10 décembre, soit plus d’un mois après qu’il avait été découvert.
Enfin, alors que le ministre adjoint de l’Intérieur, Mykola Djiga, a déclaré, le 16 novembre, que le corps retrouvé à Tarachtcha aurait passé près de deux ans sous terre, et ne pouvait être celui du journaliste, les différentes analyses ADN conduites par la suite en Ukraine et en Russie, sous la pression de l’opinion publique, ont confirmé qu’il s’agissait bien du corps du journaliste.
RSF rappelle que qu’aucune enquête sérieuse n’a encore été menée sur la filature et les intimidations dont Gongadze avait été l’objet de la part des services officiels, dans les semaines précédant sa disparition. Le journaliste avait lui-même dénoncé dans une lettre au procureur général d’Ukraine la surveillance dont il était l’objet de la part des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, qui le suivaient et interrogeaient ses proches. Le procureur général s’est contenté d’indiquer, dans les conclusions provisoires de l’enquête présentées au Parlement le 11 janvier 2001, que le ministre ayant démenti d’éventuelles responsabilités de ses services, toute accusation était infondée. Alors que certains faits sont d’ores et déjà établis, ce déni de vérité n’est plus crédible.
Les conditions de l’assassinat doivent désormais être établies avec certitude et ses responsables doivent être identifiés. Et ce malgré l’obstruction systématique, depuis des mois, de certaines autorités administratives et judiciaires. Reporters sans frontières a demandé que tous les moyens soient mis en oeuvre, avec l’aide d’experts internationaux, pour qu’une véritable enquête soit engagée et produise les résultats attendus désormais en Ukraine et à travers le monde.