Près de six mois après le triple assassinat de journalistes russes en RCA, une enquête très documentée publiée par des médias russes révèle l'implication présumée d'un gendarme centrafricain en lien avec des conseillers militaires russes.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 15 janvier 2019.
Près de six mois après le triple assassinat de journalistes russes en République centrafricaine (RCA), une enquête très documentée publiée par des médias russes révèle l’implication présumée d’un gendarme centrafricain en lien avec des conseillers militaires russes. Reporters sans frontières (RSF) demande l’ouverture d’une enquête internationale indépendante pour faire toute la lumière sur ces assassinats.
Le motif crapuleux retenu par les autorités centrafricaines et russes pour expliquer l’assassinat de trois journalistes russes le 30 juillet dernier en RCA, ne tient pas selon l’enquête menée par « Dossier », un centre de journalisme d’investigation financé par Mikhaïl Khodorkovski, un opposant au président russe vivant en exil. Les fadettes et les témoignages obtenus par les journalistes à l’origine de cette enquête révèlent notamment l’existence d’un gendarme centrafricain lié à des conseillers militaires russes et en contact permanent avec le chauffeur d’Orhan Djemal, Kirill Radtchenko et Alexandre Rasstorgouïev. Ces trois journalistes indépendants ont été assassinés dans le centre de la RCA alors qu’ils enquêtaient sur la présence de mercenaires russes appartenant à Wagner, une société militaire privée proche du Kremlin.
Selon ces révélations, le gendarme suivait les journalistes dans leurs déplacements. Les relevés téléphoniques attestent qu’il était en lien continu avec Alexandre Sotov, un instructeur militaire russe, lui-même en contact très régulier avec Valery Zakharov, le conseiller à la sécurité nationale du président de la RCA. D’après plusieurs enquêtes, ces deux hommes appartiennent à Wagner.
Autre fait troublant rapporté par cette enquête, les numéros de téléphone utilisés par le fixeur des journalistes, un certain « Martin » qui n’a été jusqu’à présent ni identifié ni arrêté, et par le chauffeur des reporters, ont été enregistrés sous de faux noms et avec de faux passeports dans les jours et semaines précédant l’arrivée de l’équipe de tournage russe.
« Près de six mois après les faits, les zones d’ombre entourant ce triple assassinat n’ont été levées ni par les enquêteurs centrafricains, ni par leurs homologues russes, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ces révélations étayées par des documents et des témoignages méritent un examen approfondi. Aujourd’hui, seule une enquête internationale indépendante permettrait de faire toute la lumière sur l’assassinat de ces trois journalistes ».
Dans un communiqué, les autorités russes ont affirmé qu’elles continuaient à enquêter sur la piste d’un vol qui aurait mal tourné, facilité par des négligences de l’employeur des journalistes, qui n’est autre que Mikhaïl Khodorkovski. Sans discuter des éléments mis à jour par le centre « Dossier », les enquêteurs russes accusent l’opposant de ne chercher qu’à se disculper.
La RCA et la Russie occupent respectivement la 112e place et la 148e place sur 180 dans le Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.