Dans une lettre ouverte à la Première ministre Sheikh Hasina, RSF a exprimé son inquiétude après une série d'incidents graves qui jettent un doute sur la volonté du gouvernement de garantir un environnement favorable aux médias.
(RSF/IFEX) – Dans une lettre ouverte à la Première ministre Sheikh Hasina, RSF exprime son inquiétude après une série d’incidents graves qui jettent un doute sur la volonté du gouvernement de garantir un environnement favorable aux médias :
Son Excellence Sheikh Hasina
Bureau du Premier ministre
Old Sangsad Bhaban
Tejgaon, Dhaka-1215
Bangladesh
Paris, le 30 avril 2010
Madame la Première ministre,
Votre arrivée, en janvier 2009, à la tête du gouvernement du Bangladesh, a permis aux médias de travailler dans un climat plus serein que lors du gouvernement intérimaire soutenu par l’armée. Sous l’impulsion de votre gouvernement, des professionnels des médias ont été libérés et les pressions exercées par les militaires ont baissé d’intensité.
Mais, aujourd’hui, nous souhaitons exprimer notre inquiétude après une série d’incidents graves qui jettent un doute sur la volonté ou la capacité de votre gouvernement de garantir un environnement favorable aux médias.
Nous souhaitons tout d’abord vous alerter sur la mort, des suites de ses blessures, de Foteh Osmani, correspondant du magazine Shaptahik 2000 à Sylhet (Nord-Est), le 29 avril. Journaliste expérimenté, il avait été attaqué par des inconnus armés onze jours plus tôt, alors qu’il circulait à moto avec un ami. Ses agresseurs lui avaient manifestement tendu une embuscade, sans que l’on connaisse pour l’instant leurs motivations. Trois suspects ont été arrêtés.
Nous vous demandons d’ordonner une enquête exhaustive qui permette de faire la lumière sur l’identité et les motifs des assassins de Foteh Osmani, et de les arrêter.
Une autre affaire a retenu toute notre attention : votre gouvernement a soudainement décidé de fermer la télévision privée Channel 1, après quatre ans de diffusion. Cette décision, survenue le 27 avril 2010, a été annoncée publiquement par M. Raziuddin Ahmed Raju, le ministre de la Poste et des Télécommunications. La raison officielle est que la chaîne avait hypothéqué, en 2004, ses équipements de diffusion, acte interdit par la loi sur la Télécommunication de 2001.
Selon le ministre, les propriétaires de la chaîne n’ont pas pu rembourser certains de leurs prêts et c’est ainsi que leurs équipements ont été mis aux enchères. Privée de certains équipements, la chaîne utilisait depuis des appareils appartenant à une autre entreprise, acte également interdit par la même loi. En réaction à cette fermeture, Mazidul Islam, le directeur de Channel 1, a annoncé publiquement vouloir régulariser la situation, si une occasion lui est accordée.
Il paraît évident que la chaîne, confrontée à des difficultés financières, a peut-être commis quelques entorses à la loi, mais nous estimons que l’arrêt de la transmission par des membres de la Commission de régulation des télécommunications (BTRC) en pleine diffusion du journal télévisé de Channel 1, est une atteinte à la liberté de la presse. D’autre part, la fermeture de la chaîne risque de laisser quatre cents employés sans emploi.
Il serait regrettable que vous vous inspiriez dans cette affaire de la fermeture en 2002 de la chaîne ETV, par le gouvernement de votre opposante Khaleda Zia.
Nous vous appelons, madame la Première ministre, à accorder un délai d’au moins six mois à Channel 1 pour régulariser cette situation, durant lequel la chaîne pourra continuer à émettre. Cette décision serait une preuve de tolérance et d’humanité vis-à-vis des employés de la chaîne et contribuerait à ne pas détériorer la situation de la liberté de la presse au Bangladesh.
Je vous remercie de bien vouloir prendre en considération notre demande et je vous prie d’agréer, Madame la Première ministre, l’expression de ma haute considération.
Jean-François Julliard
Secrétaire Général