(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au ministre pakistanais de l’Information, Javed Jabbar, RSF s’est inquiétée des pressions exercées par le gouvernement à l’encontre d’un des principaux quotidiens privés, « Dawn ». Robert Ménard, le secrétaire général de l’organisation, s’est déclaré « très préoccupé par la détérioration des relations entre la presse privée et les autorités, notamment après […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au ministre pakistanais de l’Information, Javed Jabbar, RSF s’est inquiétée des pressions exercées par le gouvernement à l’encontre d’un des principaux quotidiens privés, « Dawn ». Robert Ménard, le secrétaire général de l’organisation, s’est déclaré « très préoccupé par la détérioration des relations entre la presse privée et les autorités, notamment après les récentes déclarations du chef du gouvernement, le général Musharaf, contre les journalistes ‘corrompus’ et ‘pas assez patriotiques' ». L’organisation craint que ces pressions débouchent sur des attaques contre les médias qui critiquent le gouvernement militaire. Enfin, RSF a adressé au ministre des recommandations quant au projet de loi sur la liberté d’information présenté par le gouvernement. L’organisation a regretté que l’accès à certains documents publics importants ne soit pas libre.
Selon les informations obtenues par RSF, six militaires accompagnés de trois ingénieurs de la compagnie d’électricité de Karachi, se sont présentés, le 27 septembre 2000, au siège du groupe de presse Dawn à Karachi. Prétextant d’un contrôle des installations électriques du bâtiment, les hommes ont demandé à inspecter les locaux du quotidien. Devant le refus des responsables du journal, les militaires ont menacé de couper l’alimentation électrique du bâtiment. Un ingénieur a finalement inspecté les bureaux pendant quatre heures. Selon des journalistes de « Dawn », l’inspection avait tout d’une « descente de police punitive ».
Cet incident intervient, en effet, après une semaine de tension entre « Dawn » et les autorités, et notamment le ministre de l’Information, qui exige un rectificatif après un article intitulé « Presse libre : Musharraf a-t-il des arrières pensées? », publié le 12 septembre dernier. Le journal revenait sur les propos tenus par le général Musharraf lors du Sommet du Millenium des Nations unies. Le chef du gouvernement pakistanais avait notamment déclaré qu’il n’avait « aucune intention d’étouffer la presse mais au vu de ce qui est publié au Pakistan, il aurait dû le faire dix fois ». Il avait ajouté que « les journalistes sont corrompus » et ne « sont pas assez patriotes ». Les autorités reprocheraient également à « Dawn » d’avoir publié une interview du père du Premier ministre déchu Nawaz Sharif, qui affirmait que les militaires l’avaient contacté avant le coup d’État afin qu’il demande à son fils de démissionner. Depuis la publication de ces articles, le Département d’information de la presse (PID, organisme officiel chargé des relations entre le gouvernement et la presse) a tenté d’obtenir un rectificatif de l’éditeur, Salim Asmi. Celui-ci a refusé, tout en rappelant aux autorités qu’ils pouvaient lui adresser un droit de réponse. Le gouvernement a notamment menacé les responsables du quotidien de les poursuivre en justice s’ils refusaient leur demande. Les autorités ont démenti.
Le gouvernement a, par ailleurs, présenté un projet de loi sur la liberté d’information, concernant l’accès du public aux documents officiels. La nouvelle loi interdit l’accès des journalistes à certains documents officiels, notamment les minutes des réunions, ou tout document qu’un fonctionnaire jugerait « confidentiel ». Le projet prévoit également que les documents officiels ne soient accessibles que 21 jours après leur rédaction. Délai jugé « incompatible avec le travail journalistique » par les associations professionnelles. Enfin, le texte ne prévoit aucune sanction pour un fonctionnaire qui violerait la loi en refusant de divulguer un document officiel.