Bien que le scrutin initialement prévu le 29 novembre 2009 ait encore été reporté, la presse est déjà en campagne, a constaté RSF au terme d'une mission effectuée du 9 au 11 novembre.
(RSF/IFEX) – Bien que le scrutin initialement prévu le 29 novembre 2009 ait encore été reporté, et alors qu’aucune date n’est annoncée pour la tenue de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, la presse ivoirienne est déjà en campagne, a constaté Reporters sans frontières, au terme d’une mission effectuée à Abidjan du 9 au 11 novembre. La délégation a rencontré le chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, et de nombreuses rédactions.
Lors de leur séjour dans le pays, Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières, et Ambroise Pierre, responsable du bureau Afrique, ont établi un état des lieux de la liberté de la presse et sensibilisé leurs interlocuteurs sur les précautions à prendre pour mieux la garantir en amont de ces élections tant attendues. Ils ont appelé les directeurs de médias et les journalistes à faire preuve de professionnalisme et les instances de régulation à respecter la pluralité des opinions. L’organisation a par ailleurs annoncé qu’elle effectuera un travail d’observation des médias – à la fois quantitatif (répartition du temps d’antenne) et qualitatif (traitement de chaque candidat dans les médias) – pendant la période de campagne électorale.
« La date officielle de l’élection présidentielle a certes été repoussée, mais la presse est d’ores et déjà en campagne. A l’approche d’une période électorale délicate et décisive, nous appelons la profession à mieux respecter l’éthique journalistique et défendre l’indépendance éditoriale. Nous gardons en mémoire les sombres dérapages du passé – invectives, appels aux saccages, etc. – aussi bien dans la presse écrite que sur la télévision publique. Cela ne doit pas se reproduire », a déclaré Reporters sans frontières.
Une presse diverse mais pauvre
Si l’on est frappés à Abidjan par la grande diversité des titres, la qualité de la presse est cependant très inégale. Les journaux versent souvent dans le sensationnel ou l’effet d’annonce, en vantant des « enquêtes » ou des « dossiers » plus ou moins sérieux. Ainsi, à titre d’exemple, le numéro 63 de l’hebdomadaire « Le Temps Hebdo », paru la semaine du 11 au 17 novembre, annonçait pour son numéro suivant un « dossier explosif » intitulé « Présidentielle en Côte d’Ivoire : ce que la France prépare le jour du scrutin. Comment Paris entend donner le pouvoir à Ouattara. Le sort réservé à Laurent Gbagbo et à Konan Bédié ». Ce dossier ne contenait finalement aucune information crédible.
Devant Reporters sans frontières, les autorités ivoiriennes se sont plaintes de la médiocrité des médias. « Je préfère une presse médiocre par sa faute que parce qu’elle est contrôlée », a confié à l’organisation le chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. Le ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané, a estimé que « la défense de la liberté de la presse se fait au détriment de la qualité ». Tout en reconnaissant que la presse évoluait dans un environnement économique très difficile, le ministre de la Communication s’est félicité de l’adoption d’une convention collective qui bénéficie aux professionnels des médias et assure que le fonds d’aide à la presse est opérationnel. Sur cette question, les médias renvoient un autre son de cloche. Plusieurs d’entre eux rappellent qu’aucune aide publique ne leur a encore été attribuée et jugent que la convention collective n’est pas applicable. Les tirages de la presse écrite sont relativement faibles – le volume global de journaux vendus aujourd’hui correspond aux seuls tirages de Fraternité Matin il y a dix ou quinze ans -, et la distribution dans le pays est difficile.
A Abidjan, Reporters sans frontières a constaté avec regret que l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (OLPED), expérience unique et intéressante d’auto-régulation, n’était plus fonctionnel.