(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, RSF a exprimé sa profonde indignation après la mise à mort par une foule de manifestants de Brignol Lindor, de Radio Echo 2000. Le journaliste a été tué à la machette par des partisans présumés de Fanmi Lavalas, le parti du Président. Au cours des […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, RSF a exprimé sa profonde indignation après la mise à mort par une foule de manifestants de Brignol Lindor, de Radio Echo 2000. Le journaliste a été tué à la machette par des partisans présumés de Fanmi Lavalas, le parti du Président. Au cours des dernières semaines, des proches du pouvoir ont été mis en cause dans la multiplication des agressions contre des journalistes. « Nous vous demandons de mettre fin aux violences et au climat d’impunité qui règne en Haïti. Nos craintes de voir un nouveau journaliste assassiné si la mort de Jean Dominique restait impunie se confirment tragiquement », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
Ce dernier a demandé à Aristide « de mettre tous les moyens à la disposition des enquêteurs pour que les auteurs de l’assassinat de Lindor soient identifiés et punis ». « Nous nous adressons également à vous en tant que chef du parti Fanmi Lavalas », a ajouté Ménard, « pour que vous adressiez un message très clair à vos partisans afin que ceux-ci cessent de s’en prendre aux journalistes. Pour que l’impunité recule, ce message doit également s’adresser aux membres de Fanmi Lavalas concernés par l’enquête sur la mort du directeur de Radio Haïti Inter, Jean Dominique, afin qu’ils collaborent avec la justice ». L’organisation a par ailleurs demandé l’ouverture d’une enquête pour identifier et punir les auteurs des agressions survenues la semaine du 26 novembre 2001 contre les journalistes Jean-Marie Mayard, Ernst Océan et Evrard Saint-Armand. Enfin, RSF a demandé au Président de revenir sur la politique de « zéro tolérance » qu’il avait décrétée le 28 juin et qui légitime les lynchages de délinquants ou assimilés comme tels.
Contexte
Depuis le 1er janvier, une quinzaine de journalistes ont été menacés ou agressés par des forces de l’ordre ou des partisans de Fanmi Lavalas. Le 9 novembre, l’un des meurtriers présumés de Dominique avait été tué par une foule de manifestants à coups de pierres et de machette. Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était mort le 3 avril 2000, abattu dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Dans son éditorial du 19 octobre 1999, il avait vivement mis en cause Dany Toussaint, membre de Fanmi Lavalas qui a depuis été élu sénateur. En août 2001, le juge d’instruction en charge du dossier a demandé au Sénat de lever l’immunité parlementaire de Toussaint pour son implication présumée dans l’assassinat du journaliste. Le Sénat ne s’est toujours pas prononcé.
Lindor : victime de la politique « zéro tolérance » ?
Selon les informations recueillies par RSF, Lindor, responsable de l’information de Radio Echo 2000, une station privée de la ville de Petit-Goâve (68 km au sud-ouest de Port-au-Prince), a été tué à coups de pierres et de machette le 3 décembre par des partisans présumés de Fanmi Lavalas. Le journaliste a été tué alors qu’il se rendait à son travail en voiture. Ardouin Alézi, le directeur de la radio, rapporte que Lindor s’était réfugié chez un élu local de Fanmi Lavalas qui l’aurait livré à ses assaillants. Un ami de la victime qui conduisait le véhicule a eu le temps de prendre la fuite au moment de l’attaque. L’assassinat a été enregistré à onze heures (heure locale) et le corps de la victime a été évacué quatre heures plus tard, sans constat légal et sans présence policière sur la scène du crime. La police n’aurait procédé à aucune arrestation.
Lindor avait reçu de nombreuses menaces de mort de la part d’autorités locales membres du parti au pouvoir après avoir invité des personnalités de l’opposition à intervenir dans son émission « Dialogue ». « Nous ne savons pas si ce meurtre a des motivations politiques », a déclaré à la presse Alix Alexandre, le commissaire de police de Petit-Goâve. Pour Junol Casimir, un collègue de Lindor de Radio Echo 2000, ce dernier a bien été tué par des partisans du président Aristide. Quelques jours plus tôt, des responsables locaux de Fanmi Lavalas avaient menacé d’appliquer à l’opposition la formule « zéro tolérance ». Depuis le lancement de cette dernière en juin, plusieurs dizaines de criminels présumés ont été lynchés par la population avec la complicité présumée de policiers, selon des organisations de défense des droits de l’homme.
Lindor, trente-deux ans, ancien correspondant local de Radio Signal FM et ancien secrétaire général adjoint de l’Association des journalistes de Petit-Goâve, était aussi directeur d’école et inspecteur de la douane de la ville.
Trois journalistes agressés
Par ailleurs, Mayard, correspondant de Radio Métropole à Saint-Marc (Ouest), a été menacé de mort, le 29 novembre, par des membres d’organisations populaires (OP) proches du pouvoir, lors d’une manifestation de l’opposition. Ces derniers ont menacé de mort le journaliste, coupable, selon eux, de ne pas diffuser d’informations favorables au pouvoir. Par la suite, Mayard a été interpellé sans raison apparente par des policiers de la CIMO (Compagnie d’intervention et de maintien de l’ordre), avant d’être relâché. Le même jour, Océan, de Radio Vision 2000, était également agressé et menacé de mort par des membres d’une OP proche du pouvoir, qui lui ont tiré dessus et ont crevé les pneus de sa voiture. Ils accusent le journaliste de travailler pour la Convergence démocratique (opposition).
Le 25 novembre, Saint-Armand a été agressé puis conduit par un policier en civil dans un commissariat de Port-au-Prince, sous la menace d’une arme. Le journaliste de Radio Kiskeya venait d’être témoin d’une altercation qui s’était soldée par la mort d’un jeune homme. Accusé d’être responsable de cette dernière, le journaliste a été frappé à plusieurs reprises lors de l’interrogatoire. D’après l’Association des journalistes haïtiens (AJH), les policiers « savaient pertinemment que le confrère était sur place en tant que journaliste ». Cette association estime que les policiers auraient agi en vue de « discréditer la presse ». Saint-Armand a été relâché après plusieurs heures, grâce à l’intervention des dirigeants de sa radio et de hauts gradés de la police. Son matériel a été détruit, l’empêchant de diffuser l’enregistrement de son interpellation.