(RSF/IFEX) – Ci dessous, une lettre de RSF au Directeur général de Wanadoo, Olivier Sichel : Monsieur, Nous avons appris avec étonnement que la société que vous dirigez va, dans les jours qui viennent, annoncer le lancement d’un partenariat stratégique avec l’opérateur Internet tunisien Planet. Nous avons parfaitement conscience que Wanadoo est une entreprise privée […]
(RSF/IFEX) – Ci dessous, une lettre de RSF au Directeur général de Wanadoo, Olivier Sichel :
Monsieur,
Nous avons appris avec étonnement que la société que vous dirigez va, dans les jours qui viennent, annoncer le lancement d’un partenariat stratégique avec l’opérateur Internet tunisien Planet. Nous avons parfaitement conscience que Wanadoo est une entreprise privée et qu’il n’est pas de votre responsabilité de défendre les droits de l’homme. Nous estimons toutefois que le fait d’investir dans le Réseau tunisien pose un certain nombre de problèmes éthiques sur lesquels nous souhaiterions attirer votre attention. Nous sommes d’ailleurs persuadés que vous n’avez pas connaissance des faits que nous allons vous exposer et qu’une fois averti, vous conviendrez avec nous que ce partenariat est nuisible à l’image de votre société, dont l’Etat français est d’ailleurs actionnaire à hauteur de 40 % du capital.
Comme vous l’ignorez sûrement, le gouvernement tunisien, qui a déjà complètement muselé les médias traditionnels, a mis en place un système très efficace de filtrage de l’Internet. Par l’intermédiaire du fournisseur d’accès Planet, votre futur partenaire, il bloque l’accès à l’ensemble des sites politiques critiques du Président Ben Ali, ainsi qu’aux publications des principales organisations internationales de droits de l’homme. Même le site de Reporters sans frontières, www.rsf.org, est inaccessible depuis des années dans ce pays.
Comme vous l’ignorez sûrement, un avocat tunisien, Mohammed Abou, est emprisonné depuis plus d’un mois pour avoir publié, sur Internet, un article sur les conditions de détention des prisonniers politiques en Tunisie. A l’heure même où vous placardez sur les murs de Tunis l’annonce de votre implantation dans le pays, des dizaines d’avocats tunisiens font un sit-in à la Maison du barreau pour exiger la libération de leur confrère cyberdissident.
Comme vous l’ignorez sûrement, huit jeunes Tunisiens, les « internautes de Zarzis », ont écopé, en avril 2004, de peines allant jusqu’à 26 ans de prison pour avoir surfé sur des sites jugés illicites par le pouvoir. Ils croupissent aujourd’hui en prison dans des conditions effroyables.
Comme vous ne pouvez l’ignorer, Internet est devenu un vecteur essentiel d’information, en particulier dans des Etats où les médias traditionnels sont sous la tutelle du pouvoir. Participer à l’extension du Réseau dans un pays en développement est certes un objectif louable. Nous tenons toutefois à vous avertir que pour exercer ce type d’activité en Tunisie, vous devrez vous accommoder des violations systématiques de la liberté d’expression commises par son gouvernement.
J’espère que ce courrier vous aura éclairé sur une situation avec laquelle vous n’étiez certainement pas familier. Nous nous tenons bien entendu à votre disposition pour vous fournir des informations complémentaires.
Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de ma parfaite considération.
Robert Ménard,
Secrétaire général