(RSF/IFEX) – Yahoo! censure depuis des années son moteur de recherche en chinois pour se plier aux desiderata de Pékin. Google, qui vient de prendre une participation dans Baidu, un moteur de recherche chinois qui filtre ses résultats, semble aujourd’hui emboîter le pas à son concurrent. Pour conquérir le marché chinois, ces deux entreprises acceptent […]
(RSF/IFEX) – Yahoo! censure depuis des années son moteur de recherche en chinois pour se plier aux desiderata de Pékin. Google, qui vient de prendre une participation dans Baidu, un moteur de recherche chinois qui filtre ses résultats, semble aujourd’hui emboîter le pas à son concurrent. Pour conquérir le marché chinois, ces deux entreprises acceptent des compromis qui ont des répercussions directes sur la liberté d’expression.
RSF dénonce une stratégie de développement irresponsable de la part des deux géants américains. L’organisation a déjà écrit au P.D-G de Yahoo!, Terry Semel, en décembre 2003, pour lui demander de respecter les droits des internautes chinois. Ce courrier étant resté sans réponse, RSF demande aujourd’hui au secrétaire d’Etat adjoint à la Démocratie, aux Droits de l’homme et au Travail, Lorne Crane, ainsi qu’au secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires économiques et au Commerce, Earl Anthony Wayne, de mettre en place un code de déontologie pour les entreprises du secteur de l’Internet exerçant une activité à l’étranger.
« Le gouvernement des Etats-unis se veut à la pointe du combat pour la liberté d’expression sur le Net, notamment depuis l’adoption du Global Internet Freedom Act. Pourtant, il ne pose aucune limite à l’activité du secteur privé, même lorsque celui-ci collabore avec les régimes les plus répressifs de la planète. Nous condamnons cette hypocrisie et demandons que des sociétés comme Yahoo! et Google s’engagent à respecter la liberté de l’information, même à l’étranger », a déclaré l’organisation.
Yahoo! a lancé depuis plusieurs années une version chinoise de son portail (http://cn.yahoo.com) et a annoncé, fin juin 2004, le lancement d’un nouveau moteur de recherche appelé Yisou. Yahoo! Chine et Yisou censurent leurs résultats de recherche selon les directives des autorités chinoises. Certaines combinaisons de mots-clefs, comme « Tibet libre », ne donnent aucun résultat. Pour d’autres, seuls les sites autorisés apparaissent : une recherche sur « falungong » ne fournit par exemple, dans les premières réponses, que des sites critiques envers le mouvement spirituel et reprenant les positions officielles du régime. La même recherche sur un moteur en chinois non censuré affiche des publications proches de Falungong et des documents sur la répression du gouvernement chinois à l’encontre de ses adeptes.
Google a jusqu’à présent refusé de censurer son outil de recherche. Celui-ci avait d’ailleurs été bloqué pendant une semaine, en septembre 2002, par les autorités chinoises. Les services de censure n’ont donc aujourd’hui d’autre possibilité que de filtrer eux-mêmes les résultats de recherche du moteur américain, ce qui est plus difficile et moins efficace. Google semble avoir toutefois changé de stratégie. En juin 2004, l’entreprise a en effet pris une participation financière importante dans Baidu, l’un des plus importants moteurs de recherche chinois. Or, Baidu filtre scrupuleusement les contenus « subversifs ». Lorsque Google a été bloqué, en 2002, les internautes chinois étaient d’ailleurs redirigés (. . .) vers http://www.baidu.com. Une recherche sur « Huang Qi » – un internaute emprisonné pour avoir diffusé sur Internet des informations critiques envers les autorités – donne pour toute réponse : « This document contains no data » (aucune donnée disponible), alors que des centaines d’articles en chinois ont été publiés sur ce dissident. Autre exemple, une recherche sur « indépendance Taïwan » affiche uniquement des informations critiques envers le gouvernement de l’île. Les mêmes mots-clefs saisis dans la version chinoise de Google (http://www.google.com/intl/zh-CN) – moteur qui n’applique pas d’auto-censure – conduisent une liste de sites pro-taïwanais.
La censure des moteurs de recherche est un enjeu fondamental pour la liberté d’expression. Selon la dernière étude du Centre d’information sur le réseau Internet en Chine (CNNIC) – une agence officielle – 80 pour cent de l’information est obtenue sur le Réseau chinois grâce à ce type d’outil. Certains moteurs, comme Altavista, sont déjà bloqués dans le pays.
D’autres entreprises américaines seraient directement concernées par ce code de déontologie. Par exemple, Cisco Systems a vendu plusieurs milliers de routeurs – coûtant plus de 16 000 euros la pièce (environ 19 300 $US) – pour constituer l’infrastructure de surveillance du régime. Ce matériel a été paramétré avec l’aide des ingénieurs de l’entreprise américaine. Il permet de lire les informations transmises sur le Réseau et de repérer des mots clés « subversifs ». Il donne également à la police les moyens de savoir qui consulte des sites prohibés ou envoie des courriers électroniques « dangereux ».
Le Global Internet Freedom Act a été voté par la Chambre des représentants en juillet 2003. Cette loi, soutenue par le député républicain Christopher Cox, a pour objectif de lutter contre la censure de l’Internet mise en place par des régimes répressifs comme la Chine, la Birmanie, la Syrie, Cuba et l’Arabie saoudite.
Pour plus d’information sur le contrôle du Net en Chine, consultez le rapport « Internet sous surveillance » 2004 de RSF, disponible intégralement sur http://www.internet.rsf.org. A l’heure actuelle, 61 Chinois sont derrière les barreaux pour avoir diffusé sur le Net des textes critiques envers leur gouvernement.