Trois ans après la mort en prison du journaliste Fessehaye "Joshua" Yohannes, les conditions de détention en Erythrée sont parmi les plus préoccupantes de la planète.
(RSF/IFEX) – A l’occasion du troisième anniversaire de la mort en détention du journaliste Fessehaye Yohannes, dit « Joshua », Reporters sans frontières a adressé une lettre, le 11 janvier 2010, au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Manfred Nowak, pour lui demander de tout mettre en œuvre pour obtenir une amélioration des conditions de détention des journalistes emprisonnés en Erythrée.
« Les conditions de détention des prisonniers érythréens sont parmi les plus préoccupantes de la planète. Une situation d’autant plus révoltante que le gouvernement d’Issaias Afeworki, devenu la honte de l’Afrique, refuse de communiquer une quelconque information sur leur sort. C’est pourquoi nous vous demandons de tout mettre en œuvre pour obtenir des nouvelles de la part des autorités et, si possible, de vous rendre en Erythrée », a écrit l’organisation.
« Nous vous exhortons à demander aux autorités un accès aux journalistes emprisonnés afin de vous enquérir de leur état de santé et d’enquêter plus généralement sur les conditions de détention dans le pays. Nous vous demandons également d’exercer une pression suffisante sur le gouvernement d’Asmara pour que les détenus soient jugés ou libérés », a poursuivi Reporters sans frontières, qui s’est dite extrêmement inquiète pour les vingt-six journalistes et les deux collaborateurs des médias actuellement emprisonnés en Erythrée.
Le 11 janvier 2007, l’écrivain et dramaturge Fessehaye Yohannes, également journaliste de l’hebdomadaire interdit « Setit », a succombé, au centre de détention d’Eiraeiro, dans la province désertique de la mer Rouge septentrionale, aux conditions particulièrement éprouvantes dans lesquelles il était détenu depuis son arrestation en 2001. Son corps n’a jamais été rendu à sa famille.
Fessehaye Yohannes s’était livré à la police dans la semaine du 18 au 23 septembre 2001, après qu’une dizaine de ses confrères et de nombreux opposants avaient été arbitrairement arrêtés et la presse privée « suspendue » par les autorités. Vétéran de la guerre d’indépendance contre l’Ethiopie, animateur d’une troupe de danse et de théâtre, cet intellectuel était une figure de la vie culturelle et médiatique en Erythrée.
Après vérification auprès de plusieurs sources érythréennes crédibles, à Asmara et à l’étranger, Reporters sans frontières est en mesure d’affirmer que Fessehaye Yohannes est le quatrième journaliste à avoir trouvé la mort à Eiraeiro, après le rédacteur en chef et cofondateur de l’hebdomadaire « Admas », Said Abdulkader, le rédacteur en chef adjoint et cofondateur de l’hebdomadaire « Keste Debena », Medhanie Haile, et le rédacteur en chef de l’hebdomadaire « Tsigenay », Yusuf Mohamed Ali, en 2005 et 2006. L’organisation a décidé de retirer leurs quatre noms de sa liste des journalistes emprisonnés à travers le monde.
Parmi les journalistes actuellement emprisonnés, le Suédo-Erythréen Dawit Isaac, candidat finaliste pour le prix Sakharov 2009 pour la liberté de l’esprit, souffre de problèmes de santé. L’ancien journaliste de « Setit » a été transféré plusieurs fois et a séjourné, en 2009, à l’hôpital de l’armée de l’air à Asmara. De récentes informations recueillies par Reporters sans frontières indiquent qu’il a été admis, à deux reprises au cours de l’année 2009, à l’hôpital Habtemariam (Sainte Marie) d’Asmara, un établissement psychiatrique. L’incertitude demeure quant à son lieu de détention actuel.
De même pour Temesgen Gebreyesus, journaliste sportif et membre du conseil d’administration du bihebdomadaire « Keste Debena », et Mattewos Habteab, rédacteur en chef et cofondateur du bihebdomadaire « Meqaleh ». En décembre 2008, tous deux avaient été transférés dans un pénitencier de l’archipel des Dahlaks (en mer Rouge, en face de Massawa).
Reporters sans frontières estime « très positives » les sanctions imposées à l’Erythrée par le Conseil de sécurité de l’ONU, le 23 décembre 2009, sur proposition de l’Ouganda. L’organisation réitère la recommandation qu’elle adresse depuis plusieurs années à l’Union européenne visant à interdire de séjour sur le territoire européen plusieurs hauts responsables politiques et militaires érythréens.
Une copie de la lettre de Reporters sans frontières a été adressée à :
– Navanethem Pillay, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme;
– Frank La Rue, Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression.