(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 12 mai 2000: Sept journaux censurés, deux journalistes interdits d’écriture RSF lance un appel à Mohammed VI pour qu’il fasse respecter la liberté de la presse Au cours de ces derniers mois, sept titres de la presse marocaine et étrangère ont été victimes de […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 12 mai 2000:
Sept journaux censurés, deux journalistes interdits d’écriture
RSF lance un appel à Mohammed VI pour qu’il fasse respecter la liberté de la presse
Au cours de ces derniers mois, sept titres de la presse marocaine et étrangère ont été victimes de la censure et deux journalistes sont sous le coup de condamnations à des peines de prison et à des interdictions d’exercer leur métier, une première dans l’histoire du Maroc. Alors que les premiers mois du règne de Mohamed VI avaient été marqués par des avancées certaines en matière de liberté de la presse, l’ensemble de ces mesures traduit plus qu’un recul, une véritable tentative par le pouvoir de reprendre en main la presse qui aborde les sujets jugés « sensibles », comme l’avenir du Sahara occidental, les violations des droits de l’homme sous Hassan II ou le mouvement islamiste. Reporters sans frontières lance un appel à Mohammed VI pour qu’il réponde aux aspirations du peuple marocain en matière de liberté de la presse et qu’il fasse en sorte que le royaume se conforme aux engagements qu’il a contractés en ratifiant notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le 5 février 2000, deux hebdomadaires francophones, Le Reporter et Le Quotidien du Maroc/Economie et un titre arabophone, Al Moustaquil, sont saisis par la police. Ces journaux avaient reproduit, partiellement ou intégralement, un mémorandum du Cheikh Abdeslam Yassine, le chef de la plus importante mouvance islamique du pays. Le 15 février, un numéro de Jeune Afrique-L’Intelligent est interdit. Il contenait un texte d’un intellectuel marocain résidant au Québec, Abdellah Labdaoui, qui s’interrogeait sur la capacité de Mohammed VI à mener de réelles réformes et à punir ceux qui ont violé les droits de l’homme sous le règne de son père.
Le 4 mars, le quotidien français Le Figaro ne paraît pas dans les kiosques, suite à des instructions émanant du ministère de l’Intérieur. Ce numéro contenait un article sur le livre du médecin personnel du roi Hassan II, François Cléret. Selon ce dernier, « le corps [de l’opposant Mehdi Ben Barka] a été (Å ) découpé en morceaux sur ordre de Hassan II et porté au Maroc dans les valises diplomatiques ».
Début avril, la direction de l’hebdomadaire Demain affirme que des actionnaires du titre sont l’objet de pressions « en provenance des cercles proches du pouvoir » afin qu’ils vendent leurs parts à l’homme d’affaires Abdennasser Bouazza, un « proche du Palais » selon le directeur Ali Lmrabet. Résultat : le nouvel actionnaire majoritaire refuse de signer l’ordre de virement pour l’impression du n°4 du magazine. L’hebdomadaire Demain avait évoqué, dans ses trois premiers numéros, des sujets sensibles aux yeux du pouvoir comme la présence des services secrets israéliens au Maroc, l’avenir du Sahara occidental ou le mouvement islamiste. Une semaine plus tard, le journal est finalement dans les kiosques.
Le 15 avril, les hebdomadaires Le Journal et Assahifa, tous deux imprimés en France, sont interdits d’entrée au Maroc. Dans son dernier numéro, Le Journal avait publié un entretien avec le président du Front Polisario, Mohammed Abdelaziz. L’hebdomadaire Assahifa, qui n’a pas publié cette interview, a simplement payé le fait d’appartenir au même groupe que Le Journal. Le Premier ministre explique que cette interdiction vise à « réaffirmer la détermination [du gouvernement] à faire face avec fermeté à tout traitement léger envers les sentiments du peuple marocain ». En ce qui concerne l’interdiction de Assahifa, le gouvernement finit par s’excuser, le 28 avril, pour cette « erreur ».
Le 17 avril, trois dirigeants de la chaîne de télévision 2M, Larbi Belarbi, Mustapha Mellouk et Mohammed Mamad sont limogés. Trois jours plus tôt, au cours d’une revue de presse, un journaliste avait montré la « Une » du dernier numéro du Journal sur la question du Sahara occidental.
Le 27 avril, Khalid Mechbal, journaliste à l’hebdomadaire Chamal, est condamné à six mois de prison avec sursis. De plus, il est interdit d’exercer son métier de journaliste pendant un an. Le 3 mai, Mustapha Alaoui, directeur de l’hebdomadaire Al Ousboue est condamné à trois mois de prison et trois ans d’interdiction de journalisme. Tous deux avaient publié un article dénonçant les conditions dans lesquelles Mohammed Benaïssa, l’actuel ministre des Affaires étrangères, avait acheté une résidence à Washington pour le compte de l’ambassade du Maroc alors qu’il était ambassadeur aux Etats-Unis. Quelques jours plus tard, Mustapha Alaoui est condamné à trois mois de prison avec sursis pour « diffamation » envers l’homme d’affaires Fouad Filali. Dans les colonnes de Al Ousboue, le journaliste avait accusé Fouad Filali de « transfert illégal de fonds du Maroc vers la France et de blanchiment d’argent ». Ces interdictions d’exercer le métier de journaliste ont pris effet sur le champs.
Reporters sans frontières demande aux autorités marocaines de mettre un terme à ce véritable harcèlement qui vise principalement la presse indépendante. L’organisation demande également la suppression des peines d’emprisonnement dans les affaires de « diffamation ». En effet, dans un document du 18 janvier 2000, Abid Hussain, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a demandé « à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d’emprisonnement, sauf pour des délits tels que commentaires racistes ou discriminatoires ou appel à la violence ».