RSF considère que le Sénégal doit jouer un rôle de modèle régional et que toute dégradation de la liberté de la presse dans le pays aura naturellement des répercussions négatives dans les autres pays africains.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 1 décembre 2022.
Le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, a obtenu un droit de visite au journaliste Pape Alé Niang, détenu au Sénégal depuis le 6 novembre 2022. A la sortie, il a appelé le président Macky Sall à revenir à son engagement selon lequel aucun journaliste ne devrait être en prison pendant ses mandats.
La rencontre a eu lieu le 1er décembre 2022 à la prison de Sébikotane, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Dakar, la capitale sénégalaise. D’un côté, Pape Alé Niang, journaliste et administrateur du site d’information Dakar Matin, et de l’autre le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire ainsi qu’une consoeur et des confrères sénégalais. Le premier a été arrêté le 6 novembre 2022, et inculpé et placé en détention trois jours plus tard pour avoir divulgué des informations “de nature à nuire à la défense nationale”, pour “recel de documents administratifs et militaires”, et pour avoir diffusé de “fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques”. En cause, des révélations périphériques à l’affaire de viol présumé par l’opposant Ousmane Sonko.
Étaient présents lors de cette entrevue dans la salle de visite de la prison Ibrahima Lissa Faye et Mamadou Thior de la Coordination des associations de presse du Sénégal (CAP). Devant eux, le journaliste Pape Alé Niang est apparu mobilisé, déterminé, évoquant ses dernières enquêtes, qui lui ont valu d’être incarcéré. S’il n’était pas libéré dans les heures ou les jours qui viennent, cela ferait bientôt un mois qu’il est incarcéré.
Dans une prise de parole devant la prison, Christophe Deloire a rappelé au président Macky Sall les engagements qu’il a souscrits :
« Nous nous souvenons tous qu’à sa première élection le président Macky Sall a formellement annoncé qu’aucun journaliste ne serait en prison au Sénégal pendant son exercice du pouvoir. Cet engagement, Macky Sall l’a réitéré devant moi, le 11 novembre 2018, au Forum de Paris pour la Paix. Ce jour-là, à notre initiative, il lançait le Partenariat pour l’information et la démocratie avec 11 autres chefs d’Etat et de gouvernement . Ce Partenariat a désormais été signé par 50 États, y compris récemment par les Etats-Unis. Nous appelons le président Macky Sall à mettre fin sans attendre à cette infraction aux principes de la liberté de la presse. Il y va de l’image internationale du Sénégal, de la responsabilité du président devant les citoyens sénégalais, et de son héritage devant l’Histoire »
Christophe Deloire, secrétaire général de RSF
Dans les prochains jours, RSF s’attachera à amplifier son travail de plaidoyer. L’organisation considère que le Sénégal doit jouer un rôle de modèle régional et que toute dégradation de la liberté de la presse dans le pays aura naturellement des répercussions négatives dans les autres pays africains. L’organisation internationale vient précisément d’élargir le champ d’action de son bureau de Dakar, dirigé par Sadibou Marong, à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, soit plus de 40 pays. L’attractivité de la ville de Dakar est naturellement liée au niveau de la liberté de la presse dans le pays. Le Sénégal a perdu 24 places au Classement mondial de la liberté de la presse 2022, notamment du fait d’acteurs non étatiques. Une descente supplémentaire pourrait faire entrer le pays dans une logique de spirale négative très préjudiciable.