(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 6 décembre 2000 : Sommet UE – ASEAN En Birmanie, douze journaliste condamnés à mourir en prison. Au Laos et au Viêt-nam, il n’existe aucune liberté de la presse. Reporters sans frontières s’indigne de la présence des militaires birmans au Sommet de Vientiane. Dans […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 6 décembre 2000 :
Sommet UE – ASEAN
En Birmanie, douze journaliste condamnés à mourir en prison.
Au Laos et au Viêt-nam, il n’existe aucune liberté de la presse.
Reporters sans frontières s’indigne de la présence des militaires birmans au Sommet de Vientiane.
Dans trois des dix pays participant au Sommet qui va réunir l’Union européenne et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), à Vientiane (Laos), les 11 et 12 décembre 2000, il n’existe aucune liberté de la presse et les journalistes dissidents s’exposent à de très lourdes peines de prison. En Birmanie, au Laos et au Viêt-nam, l’Etat contrôle la presse d’une main de fer. En Birmanie, au moins douze journalistes croupissent dans des prisons mouroirs. Cette année, la censure s’est considérablement durcie alors que les principaux leaders de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) sont empêchés de communiquer avec l’extérieur depuis plus de trois mois. Au Laos, pays organisateur du Sommet, le parti unique contrôle tous les médias et réprime violemment les manifestations favorables à la démocratisation du pays. Au Viêt-nam, un journaliste d’opposition est toujours emprisonné alors que les autorités refusent d’accorder des licences de publication aux personnalités de l’opposition. Dans trois autres pays, au Brunéi, à Singapour et en Malaisie, des lois sur la presse très restrictives ne permettent pas une expression pluraliste de l’information. Enfin, au Cambodge, en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande, la situation de la liberté de la presse est relativement bonne, mais les journalistes restent confrontés à des violences provenant autant des forces de l’ordre que de mouvements politiques ou religieux.
Birmanie : douze journalistes condamnés à mourir
Au moins quatre journalistes, San San Nweh, Sein Hla Oo, Win Tin et Soe Thein, sont actuellement dans un état de santé très préoccupant. Les autorités birmanes ne font rien pour leur fournir les soins nécessaires. Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires, en 1988, trois journalistes d’opposition sont morts en prison sous la torture ou faute de soins. La Birmanie est, avec la Chine, la plus grande prison du monde pour les professionnels de la presse. Douze d’entre eux sont détenus dans des cachots insalubres. A Insein, plusieurs centaines de prisonniers politiques sont détenus. La majorité des journalistes, accusés de soutenir la LND, ont été condamnés à de lourdes peines de prison. C’est ce que risquent également les Birmans qui écoutent une radio étrangère, possèdent un télécopieur sans autorisation ou utilisent l’Internet pour diffuser des informations « subversives ».
Cette année, et surtout depuis le placement en résidence surveillée d’Aung San Suu Kyi, la censure s’est renforcée. Deux publications ont été suspendues deux mois pour avoir cité les noms du général Aung San, père du prix Nobel de la paix, et d’écrivains dissidents. Le bureau de la censure a interdit l’importation de publications contenant le nom d’Aung San Suu Kyi. Il a même interdit, en novembre dernier, aux publications de Rangoon d’évoquer la défaite 5-0 de l’équipe nationale de football face à l’Indonésie. Il faut préciser que l’homme fort de la junte, Khin Nyunt, est impliqué personnellement dans la sélection des joueurs de l’équipe.
Enfin, il est impossible pour les envoyés spéciaux de la presse étrangère de travailler librement dans le pays. Cette année, au moins dix d’entre eux ont été placés sur une liste noire des journalistes étrangers interdits de séjour.
Laos : un peuple sans voix
Au Laos, pays organisateur du Sommet, l’Etat contrôle tous les médias et la répression est impitoyable contre les partisans de la démocratie. La presse écrite et audiovisuelle dépend directement du ministère de l’Information et de la Culture. C’est le cas du Vientiane Times, en anglais, et du Rénovateur, en français. Les journalistes étrangers ne peuvent pas travailler librement. Ainsi, en mars dernier, deux journalistes de la chaîne de télévision australienne ABC ont été interpellés puis expulsés par la police. Ils avaient été témoins, par hasard, d’une des mystérieuses explosions qui secouent Vientiane depuis plusieurs mois. Par ailleurs, les autorités laotiennes ont promulgué, en octobre 2000, une loi qui impose de fortes restrictions à l’utilisation de l’Internet. Les internautes qui diffuseraient des informations pouvant « faire douter » le public à l’intérieur et à l’extérieur du pays, s’exposent à de lourdes peines. Ces nouvelles mesures font du Laos un des plus virulents ennemis de l’Internet.
Fait remarquable, des journalistes d’origine lao travaillant pour des médias étrangers se sont vu refuser leur visa pour la couverture du Sommet. Un reporter de Radio Free Asia, régulièrement dénoncé par le régime de Vientiane, et un journaliste du service en lao de Radio France Internationale, ont été empêchés de se rendre au Laos pour ce Sommet. Le premier secrétaire de l’ambassade du Laos à Paris a même menacé le journaliste de RFI de représailles et de « faire fermer le service lao » s’il continuait à diffuser « des nouvelles nuisibles au pays. »
Enfin, la presse n’a fait aucun écho des manifestations démocratiques qui ont eu lieu dans le pays en octobre 1999 et en novembre 2000. Selon le Mouvement lao pour les droits de l’homme, cinq des leaders de la manifestation de l’an dernier ont été exécutés au cours de leur détention.
Viêt-nam : aucune liberté d’expression
Nguyen Dinh Huy, journaliste et dissident, est emprisonné depuis 1993 dans le camp de Ham Tan. Il a été condamné à quinze ans de prison pour avoir participé à la fondation d’un groupe d’opposition qui réclamait notamment la liberté d’expression. Au Viêt-nam, tous les médias sont soumis à l’Etat et au Parti communiste. Les personnalités d’opposition telles que le général Tran Do, le docteur Dan Que ou le vénérable Thich Quang Do, se sont vu refuser une autorisation de publication après en avoir fait la demande. Récemment, le ministère de la Culture et de l’Information a interdit un livre de Bui Ngoc Tan qui raconte l’expérience d’un journaliste dans les prisons nord-vietnamiennes.
Les journalistes étrangers sont menacés ou expulsés dès qu’ils sortent des sentiers battus. Ainsi, en avril 2000, une journaliste de l’hebdomadaire français L’Express a été interpellée puis expulsée du pays après avoir tenté de rencontrer le dissident Dan Que. Par ailleurs, Radio Free Asia, qui émet en vietnamien, est régulièrement brouillée par les autorités.
A la veille de la visite du président nord-américain Bill Clinton, les autorités ont rappelé à l’ordre les médias pour qu’ils ne cessent « de promouvoir la construction du socialisme ». Certains passages d’un discours du président nord-américain retransmis à la télévision n’ont pas été traduits. Ils concernaient l’ouverture politique et les droits de l’homme. Enfin, en octobre dernier, les autorités ont menacé de fermeture un bulletin d’information édité par l’Eglise catholique.
Singapour, Brunéi, Malaisie : des lois restrictives contre la presse
En Malaisie, le gouvernement de Mahathir Mohamad a, cette année encore, usé et abusé du Printing Presses and Publications Act (loi sur la presse) pour museler les médias d’opposition. Quatre publications ont été victimes de mesures restrictives non-renouvellement ou modification de leur licence de publication de la part du gouvernement. Les titres proches des partis de l’opposition islamiste sont les premiers touchés par cette censure.
Au Brunéi, la Loi sur la sécurité intérieure (ISA) permet aux autorités d’incarcérer pour plusieurs années toute personne suspectée « d’activités antigouvernementales ». Cette loi a notamment été utilisée pour emprisonner des individus ayant distribué des pamphlets mettant en cause la famille royale dans la banqueroute d’une entreprise du pays. Le Sultan qui cumule les charges de Premier ministre, ministre de la Défense, ministre des Finances, recteur de l’Université, chef de la police et commandant des croyants, assume, depuis 1962, tous les pouvoirs. Même s’il n’existe aucun texte explicite qui limite la liberté de la presse, la situation actuelle ne permet pas l’émergence de médias indépendants.
Enfin, à Singapour, grâce au groupe de presse public Singapore Press Holding, qui contrôle toutes les publications, le gouvernement empêche l’émergence d’une presse d’opposition. L’Etat peut également compter sur des lois sur la sécurité intérieure très strictes pour imposer une forte autocensure aux journalistes.
Indonésie, Philippines, Thaïlande et Cambodge : des violences récurrentes contre la presse
En Indonésie, plus de dix journalistes ont été agressés par des policiers ou des militants de mouvements religieux depuis le début de l’année. Dans ce pays, qui dispose, selon certains, de la loi sur la presse « la plus libérale au monde », le gouvernement s’est engagé à protéger cette liberté chèrement acquise. Pourtant, en mai 2000, le président Gus Dur n’a pas condamné les violences de ses partisans à l’encontre du Jawa Pos après que ce quotidien l’avait mis en cause, à tort, dans un article. Aux Moluques, en Papouasie occidentale et en Aceh, les violences, qui ont fait des milliers de morts depuis le début de l’année, ont rendu très difficile le travail des journalistes locaux et étrangers. Un journaliste suisse, Oswald Iten, arrêté en Papouasie occidentale, le 2 décembre dernier, est toujours détenu.
Aux Philippines, deux journalistes de la radio ont été assassinés depuis le début de l’année. Vincent Rodriguez a été mortellement blessé, en mai, par des tirs de militants d’une guérilla communiste. En novembre, Olimpio Jalapit a été abattu par un inconnu à Pagadian (île de Mindanao). La police n’a pas encore interpellé le suspect, identifié par plusieurs témoins. De manière générale, les conditions de travail des journalistes dans les régions où sévissent des groupes armés se sont considérablement dégradées.
En Thaïlande, deux directeurs de publication ont échappé de justesse à des tentatives d’assassinat en 2000. La campagne électorale a, par ailleurs, été marquée par des agressions de journalistes et des pressions de la part des candidats pour orienter les médias en leur faveur.
Au Cambodge, par trois fois, le ministre de l’Information a suspendu pour un mois des publications qui avaient attaqué la « personnalité inviolable du Roi ». Autre ombre noire au tableau : l’impunité dont jouissent les assassins de journalistes – six ont été tués entre 1994 et 1997. Il en est de même pour les responsables d’autres atteintes à la liberté de la presse – attaques à la grenade, au lance-roquettes, agressions et menaces – perpétrées pendant les années 90.
Recommandations
Reporters sans frontières demande aux gouvernements de Birmanie et du Viêt-nam la libération immédiate et sans conditions des journalistes emprisonnés dans leur pays.
RSF demande au Laos, au Viêt-nam et à la Birmanie, la reconnaissance de la liberté de la presse, l’autorisation des publications d’opposition et la fin de la censure.
RSF demande aux autorités philippines, indonésiennes et cambodgiennes de poursuivre leurs efforts en vue d’identifier les auteurs des assassinats de journalistes et de garantir la sécurité des professionnels de la presse.
RSF demande aux autorités de Brunéi, d’Indonésie, du Laos, de la Malaisie, de la Birmanie et de Singapour de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dont l’article 19 garantit la liberté d’expression.
RSF demande à la Malaisie, à Brunéi et à Singapour de libéraliser leurs lois sur la presse et sur la sécurité intérieure, qui sont autant de freins au développement de médias pluralistes.
RSF rappelle aux pays de l’ASEAN que, dans un document du 18 janvier 2000, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection de la liberté d’opinion et d’expression a affirmé que « l’emprisonnement en tant que condamnation de l’expression pacifique d’une opinion constitue une violation grave des droits de l’homme ».
Enfin, RSF demande aux pays de l’Union européenne (UE), et notamment à la France, qui en assume actuellement la présidence, d’exiger de leurs partenaires de l’ASEAN de respecter la liberté de la presse. L’organisation demande que les mécanismes de sanctions dont dispose l’UE pour les pays qui ne respectent pas les droits de l’homme soient étendus aux pays violant massivement les libertés d’expression.