(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 21 août 2000 : Pour diffusion immédiate Paris, 21 août 2000 Burkina Faso Trois militaires de la garde présidentielle condamnés dans l’affaire David Ouedraogo Reporters sans frontières s’indigne de la totale immunité du chef de l’Etat et de son frère Reporters sans frontières appelle […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF, daté du 21 août 2000 :
Pour diffusion immédiate Paris, 21 août 2000
Burkina Faso
Trois militaires de la garde présidentielle condamnés dans l’affaire David Ouedraogo
Reporters sans frontières s’indigne de la totale immunité du chef de l’Etat et de son frère
Reporters sans frontières appelle les autorités burkinabés à mettre fin à l’impunité des commanditaires du meurtre de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, le frère du président de la République, et à juger et condamner toutes les personnes responsables de la mort du journaliste Norbert Zongo. En effet, dans la nuit du 19 au 20 août 2000, seuls les exécutants de ce meurtre, trois militaires de la garde présidentielle, ont été reconnus coupables d' »avoir séquestré et torturé à mort » David Ouedraogo. L’adjudant Marcel Kafando et le sergent Edmond Koama ont été condamnés à 20 ans de prison et le soldat Ousséni Yaro à 10 ans de réclusion criminelle. Deux autres militaires – Christophe Kombasséré et Marcel Kabré – ont été relaxés.
Reporters sans frontières ne peut se satisfaire d’une justice qui se borne à condamner les exécutants de ce meurtre alors que ses commanditaires continuent de diriger le pays. Il est inadmissible que François Compaoré, conseiller à la présidence, n’ait pas été inculpé dans l’affaire David Ouedraogo alors qu’il a personnellement téléphoné à l’adjudant Marcel Kafando pour que celui-ci vienne se saisir de son chauffeur. François Compaoré n’a, par ailleurs, toujours pas été entendu par le juge d’instruction en charge du dossier Norbert Zongo, assassiné en décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur la mort de David Ouedraogo. Cette justice à deux vitesses va à l’encontre des propos du chef de l’Etat qui affirmait, en mai 1999, que « le gouvernement prendra toutes les mesures afin que les personnes concernées, sans exception aucune, répondent aux sollicitations de la justice ».
Certes, la condamnation des trois militaires est un premier pas vers la fin de l’impunité qui sévit au Burkina Faso depuis des années. Mais, seuls les exécutants ont été jugés et condamnés. Ni le chef de l’Etat, ni son frère, impliqués directement dans cette affaire, n’ont été poursuivis. François Compaoré a témoigné longuement pendant ce procès, refusant toute responsabilité dans la mort de son chauffeur et niant avoir eu connaissance de la détention de David Ouedraogo dans les locaux de la garde présidentielle. Une affirmation en totale contradiction avec les propos du lieutenant-colonel Gilbert Diendéré, chef d’état-major particulier de la présidence, qui expliquait, en 1999, devant les membres de la Commission d’enquête indépendante, chargée de faire la lumière sur la mort du journaliste Norbert Zongo : « Je n’ai pas été informé le jour de l’interpellation de David Ouedraogo et de ses compagnons. J’ai été informé deux ou trois jours plus tard. J’ai rendu compte au chef de l’Etat de la présence de David Ouedraogo et de ses compagnons dans les locaux de la caserne. Je pense que le compte rendu du décès de David Ouedraogo a dû être fait au chef de l’Etat avant moi, puisque c’est son aide de camp qui m’en a rendu compte et qu’au moment des faits, je n’étais pas présent à Ouagadougou ». Par ailleurs, Larba Yarga, ministre de la Justice au moment des faits, ajoutait devant la même commission : « (…) j’ai demandé qu’une copie du procès-verbal [de gendarmerie relatif à une affaire de vol d’argent et de sécurité d’Etat impliquant David Ouedraogo] soit communiquée au chef de l’Etat, copie que j’ai personnellement transmise au chef de l’Etat, main à main ».
Comment se fait-il dans ces conditions que le chef de l’Etat n’ait pas été appelé à témoigner pendant ce procès ? Comment imaginer que le chef de l’Etat n’ait pas informé son frère, conseiller à la présidence, de la détention pendant plusieurs semaines de David Ouedraogo dans les bâtiments de la garde présidentielle et de sa mort dans les locaux mêmes de l’infirmerie de la présidence ? Autant de questions qui nous permettent de douter, une fois encore, de la réelle indépendance de la justice burkinabé.
Marcel Kafando, Edmond Koama, Ousséni Yaro et Christophe Kombasséré étaient également qualifiés de « sérieux suspects » dans le rapport de la Commission d’enquête indépendante sur la mort de Norbert Zongo. Le directeur de L’Indépendant enquêtait sur l’affaire David Ouedraogo au moment de son assassinat, en décembre 1998. Il en était arrivé à la conclusion que François Compaoré était impliqué dans le meurtre de son chauffeur. La Commission d’enquête indépendante a affirmé, en mai 1999, qu’il fallait chercher les mobiles du meurtre de Norbert Zongo « du côté des enquêtes menées depuis des années par le journaliste et notamment sur ses récentes investigations concernant la mort de David Ouedraogo, chauffeur de François Compaoré, conseiller à la présidence ».