Le 9 février 2018 marque les 100 premiers jours de détention du journaliste indépendant de Kaliningrad, Igor Roudnikov. RSF dénonce une affaire montée de toutes pièces et réitère son appel à sa libération immédiate.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 8 février 2018.
Le 9 février 2018 marque les 100 premiers jours de détention du journaliste indépendant de Kaliningrad, Igor Roudnikov. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une affaire montée de toutes pièces et réitère son appel à sa libération immédiate.
Cela fera 100 jours, le 9 février, que le rédacteur en chef du plus ancien journal indépendant de la région de Kaliningrad, Novye Kolesa, est derrière les barreaux. Réputé pour ses investigations sans concession, qui lui ont coûté deux tentatives de meurtre et de nombreuses poursuites judiciaires, Igor Roudnikov a été arrêté le 1er novembre 2017 et inculpé pour « extorsion de fonds ». Il a été transféré un mois plus tard à Moscou, où sa détention provisoire a été prolongée jusqu’au 1er avril. Malgré une vidéo montrant des agents du FSB (services secrets russes) assurer à leur supérieur qu’ils avaient bien frappé le journaliste, aucune enquête n’a été diligentée sur les violences subies lors de son arrestation.
L’emprisonnement de son rédacteur en chef, accompagné de la saisie du serveur et de plusieurs disques durs du journal, est un coup dur pour Novye Kolesa. Si les ventes en kiosque se maintiennent, les annonceurs ont pris leurs distances avec l’hebdomadaire et les dons se sont taris. La survie du principal titre indépendant de la région n’est plus assurée.
« Détention provisoire abusive, accusations montées de toutes pièces, impunité des forces de l’ordre : le cas d’Igor Roudnikov est emblématique de pratiques récurrentes en Russie, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Nous demandons avec la plus grande fermeté la remise en liberté immédiate du journaliste et l’abandon des poursuites intentées contre lui. »
Cent jours après l’ouverture de l’enquête, aucun élément convaincant n’est pourtant venu étayer l’accusation. Celle-ci ne se fonde que sur les déclarations de Victor Ledenev, responsable local du Comité d’enquête, l’organe officiel en charge des crimes les plus graves. L’absence totale de preuves matérielles et les nombreux vices de procédure dénoncés par les avocats d’Igor Roudnikov renforcent la thèse d’un règlement de comptes politique.
Les collègues du journaliste soulignent que le général Ledenev, visé en juin 2017 par une enquête sur des propriétés immobilières non déclarées que Novye Kolesa lui attribuait, aurait eu tout intérêt à se débarrasser du journaliste importun. Ancien du FSB, Victor Ledenev a été procureur général de Tchétchénie entre 2008 et 2013. Une période marquée par l’impunité systématique de crimes pour lesquels l’entourage de l’homme fort de la région, Ramzan Kadyrov, est suspecté. Dont l’enlèvement et l’assassinat de la célèbre journaliste et défenseure des droits de l’homme Natalia Estemirova, en 2009. Ce passif n’a pas empêché Victor Ledenev d’être promu responsable du Comité d’enquête de Kaliningrad en 2013.
La Russie occupe la 148e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2017, publié par RSF.