Alors que la censure se durcit, de nouvelles condamnations à des peines de prison ont été prononcées contre des journalistes
(RSF/IFEX) – Le 29 octobre 2010 – À moins de dix jours des élections nationales du 7 novembre 2010, les autorités militaires continuent à accentuer leur pression sur les médias birmans et étrangers. Alors que la censure se durcit, de nouvelles condamnations à des peines de prison ont été prononcées contre des journalistes birmans et les reporters étrangers se sont vus interdire de couvrir le scrutin. Reporters sans frontières et la Burma Media Association redoutent que la junte militaire n’impose le huis clos pendant le vote, comme le laisse supposer le ralentissement actuel des connexions Internet, ce qui ouvrirait la voie à la répression en cas de contestation des résultats.
Nous nous félicitons des prises de position de nombreux pays sur l’absence de crédibilité démocratique de ces élections. En revanche, le silence de plusieurs pays de l’ASEAN et de son secrétaire général est scandaleux. On aurait espéré un peu plus de considération pour la liberté d’expression et le travail de la presse de la part de l’ASEAN qui devrait suivre les exemples de l’Indonésie et des Philippines dont les gouvernements ont, eux, dénoncé le caractère non démocratique des élections.
Dans l’état actuel, Reporters sans frontières et la Burma Media Association appellent l’ASEAN et les pays voisins de la Birmanie à rejeter le résultat des élections, dans la mesure où la liberté de la presse n’a pas été garantie par les autorités de Naypyidaw. Les deux organisations appellent l’ASEAN à faire preuve de courage en faisant pression sur le général Than Swhe pour qu’il autorise la presse internationale à être largement présente en Birmanie pendant les élections.
Dernière condamnation d’un journaliste en date, celle, le 14 octobre 2010, de Nyi Nyi Tun, éditeur du Kantarawaddy News Journal, à treize ans de prison par une cour martiale réunie au sein de la prison d’Insein. Les deux organisations de défense de la liberté de la presse appellent à la libération immédiate de Nyi Nyi Tun, condamné pour ses activités journalistiques, ainsi qu’à la libération de tous les prisonniers d’opinion, afin que ceux-ci puissent participer s’ils le souhaitent, au scrutin du 7 novembre.
Nyi Nyi Tun a été arrêté le 13 octobre 2009 et accusé, dans un premier temps d’avoir participé à des « actes terroristes » à Rangoon. Les accusations ont été abandonnées, au profit d’une accusation de « crimes contre l’Etat ». Il a été reconnu coupable de contacts avec des médias en exil (article 17/1 de la loi sur les associations illégales), d’avoir traversé la frontière illégalement (article 13/1 de la loi sur l’immigration), d’avoir tenté de répandre de fausses informations visant à perturber l’ordre public (article 505/B du code pénal), et d’avoir utilisé des médias électroniques sans autorisation (article 6/1 de la loi sur les communications télégraphiques).
D’après sa famille, Nyi Nyi Tun a été torturé pendant les interrogatoires. Le Kantarawaddy News Journal, publié depuis 2007 dans l’Etat de Kayah, à majorité kareni, a été fermé après l’arrestation de son éditeur. Selon plusieurs journalistes birmans, les autorités se sont débarrassées d’un magazine privé influent dans cette région frontalière.
Cette condamnation fait écho à celle d’un moine, Oakkan Tha, condamné à quinze ans de prison pour « activités anti-électorales ». Fin septembre, il a été reconnu coupable d’avoir envoyé des informations à la Mon News Agency, basée en Thaïlande. Agé d’une trentaine d’années, Oakkan Tha a été arrêté en janvier 2010.
Les deux organisations ont également été informées d’un ralentissement important des connexions Internet. « Je ne peux plus me connecter à mon compte gmail avec les proxies. Tous les sites basés en dehors du pays sont devenus horriblement lents », a expliqué un journaliste de Rangoon. Le magazine Irrawaddy a rapporté que des cafés Internet de la capitale ont fermé en préparation des élections.
Ce ralentissement fait suite aux attaques informatiques dont ont été victimes plusieurs sites Internet de médias birmans en exil, notamment Irrawaddy et la DVB.
Toutes ces informations ne pourront pas être vérifiées par les journalistes étrangers, la junte militaire ayant décidé de ne pas accorder de visas de presse. Cette décision de la Commission électorale, annoncée le 18 octobre dernier, tend à confirmer la volonté d’imposer un huis clos électoral. Selon Thein Soe, président de la commission, « nous n’avons pas besoin d’observateurs étrangers. Nous avons une large expérience dans l’organisation d’élections. » Seuls les 25 correspondants birmans de médias étrangers et les deux correspondants chinois seront autorisés à couvrir le scrutin.
Plusieurs journalistes européens ont informé Reporters sans frontières que leurs demandes de visas de touristes avaient été rejetées par les autorités birmanes. « Visiblement les diplomates birmans ont appris à utiliser Google, et refusent les demandes déposées par des journalistes identifiables », a ironisé un reporter français.
Depuis des décennies, les journalistes étrangers obtiennent rarement des visas de presse et sont contraints de travailler avec des visas de touristes, avec tous les risques que cela comporte pour leurs fixeurs et ceux qui acceptent de témoigner, comme le blogueur Zarganar, arrêté après avoir témoigné à la BBC.
La Commission électorale a également annoncé le 18 octobre que les médias ne pourront pas entrer dans les bureaux de vote. Cette commission non indépendante et le Bureau de la censure, dirigé par un officier, scrutent tous les articles relatifs à l’élection et aux prises de position des 37 partis politiques enregistrés.
Récemment, le magazine privé Favorite News a été suspendu pendant deux semaines pour avoir publié un dessin de presse ironique sur les élections.
Enfin, les médias officiels ont relancé leurs attaques contre les radios internationales, telles que BBC, DVB, RFA ou VOA, qui diffusent des programmes en birman. Ainsi, le 1e octobre, le New Light of Myanmar titrait : « VOA et BBC sèment la haine dans la population. RFA et DVB provoquent la colère du public. Ne nous laissons pas influencés par ces radios de tueurs qui tentent de créer des troubles. »