(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au ministre italien de la Justice Oliviero Diliberto, RSF a exprimé son inquiétude quant à la conclusion du procès des meurtriers présumés d’Ilaria Alpi, journaliste italienne assassinée en compagnie du cameraman Miran Hrovatin en 1994, en Somalie. À l’occasion du sixième anniversaire de ce meurtre, RSF a demandé que […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au ministre italien de la Justice Oliviero Diliberto, RSF a exprimé son inquiétude quant à la conclusion du procès des meurtriers présumés d’Ilaria Alpi, journaliste italienne assassinée en compagnie du cameraman Miran Hrovatin en 1994, en Somalie. À l’occasion du sixième anniversaire de ce meurtre, RSF a demandé que « la justice poursuive son travail afin que les commanditaires de ce double homicide soient retrouvés et punis ». « Six ans après les faits, nous sommes en droit de connaître la vérité sur la mort d’Ilaria Alpi et Miran Hrovatin, assassinés pour avoir voulu exercer librement leur métier », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation.
Le 20 juillet 1999, Hashi Omar Hassan, un Somalien accusé d’avoir participé au meurtre de la journaliste italienne Alpi et du cameraman tchèque Hrovatin, à Mogadiscio, a été acquitté par la deuxième cour d’assises de Rome. Hashi Omar Hassan avait été arrêté en janvier 1998, peu après son arrivée en Italie où il devait témoigner, avec d’autres Somaliens, devant une commission d’enquête sur des sévices présumés perpétrés en Somalie par des soldats italiens pendant l’opération « Restore hope », en 1994. Affirmant qu’il se serait trouvé, au moment de l’assassinat des deux journalistes, à plus de 300 km de Mogadiscio, Hashi Omar Hassan a toujours clamé son innocence.
Selon les attendus du jugement, rendus publics le 29 octobre 1999, « Hashi Omar Hassan a été victime d’un complot, organisé afin de régler l’affaire de ce double meurtre qui pèse comme un boulet dans les relations entre l’Italie et la Somalie ». Les magistrats mettent en cause le chef de clan somalien Ali Mahdi, qui contrôlait, au moment des faits, les quartiers nord de Mogadiscio où Alpi et Hrovatin se sont fait assassiner. Ils soulignent que Hashi Omar Hassan appartenait au même clan que Ali Mahdi. Il semble logique, concluent les juges, qu’il ait été offert comme « bouc émissaire » aux autorités italiennes par Ali Mahdi. La cour s’est également penchée sur les possibles mobiles de ce double crime et n’exclut pas que les deux journalistes « aient été tués pour avoir fait des découvertes dérangeantes lors de leur séjour en Somalie ». « Mais le procès n’a pas permis d’arriver à des conclusions certaines malgré de nombreuses hypothèses avancées lors des différentes séances », concluent les attendus du jugement.
Mi-novembre 1999, la famille d’Alpi s’est adressée au Conseil supérieur de la magistrature pour demander que la justice poursuive son travail dans cette affaire. Le procès d’Hashi Omar Hassan a révélé les nombreuses lacunes et zones d’ombre de l’enquête. L’avocat de la famille Alpi, Maître Calvi, a notamment attiré l’attention des juges sur la disparition des blocs-notes de la journaliste, de son appareil photo et de vidéocassettes enregistrées sur place. Il a également souligné les contradictions dans les déclarations des militaires italiens en charge du secteur dans lequel les deux journalistes ont trouvé la mort. La commission d’enquête parlementaire sur la Coopération italienne en Somalie avait également mis en avant plusieurs tentatives des autorités militaires et diplomatiques de minimiser, voire d’étouffer, certains développements de l’enquête.
Alpi et Hrovatin, envoyés spéciaux de la RAI en Somalie, ont été tués le 20 mars 1994 par un groupe de sept miliciens somaliens alors qu’ils circulaient en voiture à Mogadiscio. Un livre intitulé « L’exécution », publié en janvier 1999, cosigné par les parents d’Alpi, Giorgio et Luciana, la députée Mariangela Gritta Grainer, membre de la commission d’enquête parlementaire sur la Coopération italienne en Somalie, et Maurizio Torrealta, journaliste de la RAI, avance l’hypothèse que les deux journalistes auraient trouvé la mort pour avoir enquêté sur un trafic international d’armes et de déchets toxiques impliquant les hautes sphères politiques, militaires et économiques des deux pays. Les services secrets italiens (SISMI) sont notamment mis en cause.