(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières appelle les ministères des Affaires étrangères des grandes démocraties à convoquer l’ambassadeur érythréen de leur pays respectif, en commémoration des grandes rafles qui ont démarré le 18 septembre 2001 en Erythrée, conduit à la fermeture totale du territoire et à mené à l’incarcération au secret de plus d’une dizaine de […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières appelle les ministères des Affaires étrangères des grandes démocraties à convoquer l’ambassadeur érythréen de leur pays respectif, en commémoration des grandes rafles qui ont démarré le 18 septembre 2001 en Erythrée, conduit à la fermeture totale du territoire et à mené à l’incarcération au secret de plus d’une dizaine de journalistes.
L’organisation demande aux gouvernements attachés à la liberté de la presse de protester ainsi, officiellement, contre le secret absolu imposé sur la situation des détenus politiques en Erythrée et le chantage organisé envers la diaspora, les fugitifs et les familles des prisonniers.
« Les Erythréens ont besoin du soutien des démocraties pour que le régime de fer d’Issaias Afeworki desserre l’emprise qu’il maintient sur eux et leurs familles. Cette date symbolique doit être utilisée pour montrer que la liberté de la presse et les droits de l’homme ne sont pas un luxe réservé à quelques peuples prospères, mais un droit universel. Il serait incompréhensible que ce sixième anniversaire se déroule sans qu’aucun signe de solidarité avec les prisonniers érythréens soit donné par les Etats qui ont un minimum d’exigence envers les pays qui disposent d’ambassades sur leur territoire », a déclaré Reporters sans frontières.
Le 18 septembre 2001, tous les médias privés ont été soudainement fermés sur ordre du gouvernement et leurs responsables ont commencé à être jetés en prison, un par un. La capitale du plus jeune pays d’Afrique s’est transformée en terrain de chasse pour la police politique pendant plusieurs semaines. Depuis, en plus de centaines d’opposants, une quinzaine de journalistes ont disparu dans les geôles du pays. Ils s’appellent Dawit Isaac, Fessehaye Yohannes, dit « Joshua », Yusuf Mohamed Ali, Mattewos Habteab, Dawit Habtemichael, Medhanie Haile, Temesgen Gebreyesus, Emanuel Asrat, Said Abdulkader, Seyoum Tsehaye, Hamid Mohamed Said et Saleh Al Jezaeeri. Selon les informations de Reporters sans frontières, quatre d’entre eux ont d’ores et déjà trouvé la mort dans l’un des 314 centres pénitentiaires qui parsèment le pays. Les quelques Erythréens qui ont pu fuir après avoir été libérés de prison font état de conditions de détention effroyables.
Ceux qui n’ont pas pu fuir ou que la police n’a pas arrêtés ont été contraints de vivre sous la férule d’un gouvernement tout-puissant. En novembre 2006, suite aux défections de plusieurs journalistes célèbres des médias publics, les autorités ont arrêté ceux qui étaient suspectés d’être restés en contact avec les fugitifs ou de chercher à fuir eux-mêmes. Selon le récit qu’il avait fait après sa libération à Reporters sans frontières, l’un d’eux a été « battu et torturé en prison, après avoir refusé de divulguer les mots de passe de [leurs] adresses électroniques ». « Finalement, nous avons craqué parce que la douleur était trop forte », avait-il ajouté. Paulos Kidane, journaliste du service en amharique de la chaîne publique érythréenne Eri-TV et de la station publique Dimtsi Hafash (Voix des larges masses), est mort quelques mois plus tard, en juin 2007, alors qu’il tentait de fuir à pied vers le Soudan. Daniel Mussie, journaliste du service en oromo de Radio Dimtsi Hafash, n’est quant à lui jamais sorti de prison. Eyob Kessete et Johnny Hisabu, respectivement journaliste du service en amharique de la radio publique et monteur de la chaîne de télévision publique Eri-TV, ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de passer clandestinement les frontières du pays et sont toujours détenus quelque part.
Même lorsqu’ils sont parvenus à quitter le territoire, les Erythréens continuent de subir le diktat du gouvernement d’Issaias Afeworki. Tous ceux qui vivent en diaspora sont ainsi contraints de verser 2% de leurs revenus à l’ambassade d’Erythrée de leur pays, faute de quoi il leur est interdit de retourner sur leur terre natale, d’y posséder un bien quelconque ou d’y envoyer des colis. Des représailles sont exercées contre les familles de ceux, notamment les journalistes, qui sont parvenus à s’exiler. Des membres de leur entourage proche, des frères, des soeurs ou des parents sont incarcérés indéfiniment, sans contact avec l’extérieur.