"Les poursuites contre ces journalistes qui n’ont fait que leur travail doivent être abandonnées tout comme la répression continue des médias et journalistes du Puntland," dit RSF.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 7 septembre 2020.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’arrestation inique de deux journalistes somaliens invités à recueillir la version des autorités concernant le meurtre d’une femme et arrêtés dans la foulée par la police l’état semi-autonome du Puntland.
Le piège a été directement tendu par les autorités locales. Dimanche 6 septembre, Khadar Awl Ismail, le directeur de Radio Daljir, accompagné de son reporter Abdiqani Ahmed Mohamed étaient invités au tribunal de première instance de Garowe, la capitale du Puntland, une région somalienne qui réclame son autonomie, pour y recueillir la réaction des autorités judiciaires concernant le viol et le meurtre d’une femme en 2019. La famille de la victime avait récemment crié à l’injustice sur les antennes de la radio, après que les suspects présumés de ce meurtre ont été relâchés. L’interview n’a jamais eu lieu. Car arrivés sur place, la police a immédiatement arrêtés les journalistes. Transférés à la prison centrale de Garowe, ils ont finalement été libérés sous caution ce lundi 7 septembre mais ils restent poursuivis, même si aucune charge ne leur a pour l’instant été notifiée, selon le directeur du média joint par RSF à sa sortie de prison.
“Que les autorités judiciaires locales en viennent à tendre des pièges pour arrêter des journalistes venus recueillir leur version des faits est tout simplement consternant, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ces arrestations sont iniques. Elles foulent aux pieds les principes les plus élémentaires du droit et de la morale publique dont les autorités sont normalement les dépositaires. Les poursuites contre ces journalistes qui n’ont fait que leur travail doivent être abandonnées tout comme la répression continue des médias et journalistes du Puntland”.
Sollicités par messages et par mail le président et le ministre de l’Intérieur de la région semi-autonome n’avaient pas répondu au moment de la publication de ce communiqué.
Les intimidations, menaces et arrestations arbitraires de journalistes sont fréquentes au Puntland. Radio Daljir et ses 119 journalistes, l’un des médias les plus importants et les plus populaires de la région, est très régulièrement attaqué pour ses reportages. Depuis janvier 2019, les journalistes de la station ont déjà été arrêtés à trois reprises. Il y a un an, l’ancien directeur de la station Ahmed Sheikh Mohamed dit “Tallman” avait passé plusieurs semaines en prison après des révélations sur détenu mort après un interrogatoire de la police.
RSF plaide depuis plusieurs mois pour le décret d’un moratoire sur les arrestations de journalistes en Somalie. En novembre notre organisation avait transmis ce message au Premier ministre de l’époque Hassane Ali Khayre lors d’une rencontre à Paris. Cette recommandation a également été adressée au président de la République Mohamed Farmaajo dans un courrier envoyé après la publication de l’édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
La Somalie y occupe la 163e place sur 180 pays.