"La nomination par le Conseil des ministres d’acteurs majoritairement proches du pouvoir pour incarner le nouveau Conseil des médias constitue un acte tout à fait contraire à la loi."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 20 mars 2024.
Le Conseil des ministres somalien a constitué un Conseil des médias avec une majorité écrasante de proches du gouvernement. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une absence de représentativité des journalistes contraire à la loi sur les médias et appelle le président à s’abstenir de signer le décret qui approuverait ces nominations.
C’est une grave violation de la loi somalienne. Le 14 mars, le ministre de l’Information, de la Culture et du Tourisme Daud Aweis a choisi neuf personnes, dont six proches du gouvernement, afin de constituer le Conseil des médias, l’organe de régulation du secteur chargé prévu par la loi sur les médias de 2020 et qui n’avait encore jamais été créé. Il est notamment chargé de la supervision des accréditations des journalistes et des licences des médias. Parmi les membres choisis, six sont des conseillers au ministère ou d’anciens membres du Parlement, un est avocat, réputé proche d’un membre du gouvernement, et un seul est journaliste.
Or, l’article 14 de la loi sur les médias de 2020 exige un processus clair et transparent dans la création de ce Conseil des médias, qui doit être constitué de trois membres de médias publics, trois membres de médias privés, et trois personnes issues de la société civile. La loi dispose aussi que le Conseil doit être mis à l’écart des interférences politiques et gouvernementales. Enfin, la sélection doit tenir compte de l’avis des organisations des médias locaux, telle l’Union nationale des journalistes somaliens (NUSOJ), et de la société civile. Mais ceux-ci n’ont pas été consultés lors de la création de ce conseil des médias, selon les informations recueillies par RSF. L’organisation a tenté de joindre le ministre de l’Information, Daud Aweis, qui n’a pas voulu répondre à ses questions.
« La nomination par le Conseil des ministres d’acteurs majoritairement proches du pouvoir pour incarner le nouveau Conseil des médias constitue un acte tout à fait contraire à la loi. RSF s’alarme de cette décision, qui, si elle était validée par le président, ferait peser un danger supplémentaire sur la profession, dont la situation est déjà extrêmement fragile. Nous appelons le président Hassan Sheikh Mohamud à s’abstenir de signer ce décret. »
Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
La Somalie reste l’un des pays les plus dangereux du continent africain pour la liberté de la presse. En janvier 2024, trois journalistes de la chaîne privée Maan Media TV ont été arrêtés et torturés par les forces de sécurité du Somaliland, une région autoproclamée indépendante de la Somalie. En février, deux journalistes ont été expulsés du Puntland alors qu’ils travaillaient sur la crise de la mer Rouge.