"La mort d'Ahmed Mohamed Shukur est un choc [...] et un nouveau signal d'alarme quant à la nécessité, pour les autorités, de mettre en place des mesures de protection des journalistes plus efficaces."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 4 octobre 2022.
Le 30 septembre, un journaliste somalien a trouvé la mort dans l’explosion d’une mine, alors qu’il couvrait une opération antiterroriste menée par les forces de sécurité somaliennes. Un nouveau drame qui démontre la nécessité de mettre en place des mesures de protection des journalistes plus efficaces dans le pays, déplore Reporters sans frontières (RSF) qui appelle les autorités à agir d’urgence.
C’est le premier journaliste somalien mort cette année dans l’exercice de ses fonctions. Ahmed Mohamed Shukur, reporter à la télévision nationale somalienne (SNTV), est décédé sur le coup après l’explosion d’une mine terrestre le 30 septembre dans le district de Balcad, à une trentaine de kilomètres au nord-est de la capitale Mogadiscio. Il était âgé de 20 ans.
Le journaliste couvrait pour la télévision nationale une opération de l’armée pour déloger de la région du Moyen-Shabelle, au sud du pays, des milices al-Shabaab, un groupe terroriste islamiste affilié à al-Qaïda, et responsable des attentats-suicides et de plusieurs attaques contre des civils et des militaires. Un commandant de police a également été tué dans le même incident.
“La mort d’Ahmed Mohamed Shukur est un choc. Au cours de sa vie professionnelle, ce reporter de guerre a montré, à travers des images poignantes, la réalité du conflit armé en cours dans son pays, a déclaré Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique de RSF. Sa mort est un nouveau signal d’alarme quant à la nécessité, pour les autorités, de mettre en place des mesures de protection des journalistes plus efficaces. La liberté de la presse doit être protégée afin que les populations continuent à accéder à des informations de qualité.”
RSF se joint au syndicat des journalistes somaliens (NUSOJ) pour présenter ses condoléances à la famille d’Ahmed Mohamed Shukur, à ses collègues et à ses amis.
“Ahmed Mohamed Shukur était un journaliste dévoué, qui rendait compte de manière factuelle des événements dans la région du Moyen-Shabelle malgré les menaces d’Al-Shabaab à son encontre en raison de son affiliation aux médias gouvernementaux”, a déclaré le NUSOJ, organisation partenaire de RSF, dans un communiqué.
Sa mort met en lumière l’urgence pour les autorités de mettre en œuvre sans délai le plan national d’action pour la sécurité des journalistes en Somalie élaboré et adopté en septembre 2022 au cours d’un forum consultatif organisé par le NUSOJ. Au cours de ce forum, le ministre de la Sécurité intérieure, Mohamed Ahmed Sheikh Ali, avait assuré que la sécurité des journalistes était “une priorité absolue”, et avait promis “d’améliorer les relations entre les journalistes et les forces de sécurité afin qu’ils puissent opérer dans un environnement propice”.
Cela faisait environ dix mois qu’aucun journaliste n’avait été tué en Somalie. Le 20 novembre 2021, le directeur de Radio Mogadiscio, Abdiaziz Mohamud Guled, est décédé après une attaque suicide ciblée revendiquée par la milice al-Shabaab contre son véhicule. Sharmarke Mohamed Warsame, le directeur de la SNTV qui l’accompagnait, a été grièvement blessé.
Avec plus de 50 professionnels des médias tués ces douze dernières années, la Somalie demeure le pays le plus dangereux pour les journalistes en Afrique.
Il occupe la 140e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.