Une source du NISS interrogée par le Sudan Tribune a déclaré que ces mesures de suspension et de confiscation continueront tant que les journalistes ne respecteront pas les instructions du NISS.
Reporters sans frontières condamne fermement le climat oppressant que font peser les autorités soudanaises sur la presse. Malgré la décision de la Cour Constitutionnelle du Soudan le 5 mars 2014 de lever la suspension qui touchait le journal Al-Tayar depuis près de deux ans, en l’espace de sept jours, onze éditions de journaux ont fait l’objet de confiscations à Khartoum par le service national de renseignement et de sécurité soudanais (Soudan’s National Intelligence and Security Service, NISS).
Une source du NISS interrogée par le Sudan Tribune a déclaré que ces mesures de suspension et de confiscation continueront tant que les journalistes ne respecteront pas les instructions du NISS. Elle ajoute que les rédactions ont été averties que certains sujets ne devaient pas être traités.
« Cette décision judiciaire tardive est de peu de valeur au regard du climat général qui entoure la presse au Soudan. Les déclarations de la source du NISS tendent à montrer que les mesures de musèlement de la presse vont continuer et que les perspectives pour la liberté d’information sont sombres », déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières.
« Les confiscations de cette semaine passée ne sont malheureusement qu’une goutte d’eau dans l’océan des pratiques arbitraires du NISS à l’encontre de la presse au Soudan. Cette tactique particulièrement pernicieuse de confisquer les éditions déjà imprimées des journaux revient à une suspension de facto des publications, sans avoir à s’encombrer de procédures légales et tout en condamnant ces organes de presse à une lente asphyxie financière. Ces saisies répétées ont également pour effet d’imposer une auto-censure préalable aux rédacteurs de journaux qui, pour éviter la saisie de leur journal, peuvent décider d’éviter d’aborder certains sujets. La saisie de journaux en anglais ainsi que de journaux traditionnellement pro-gouvernementaux montre que le gouvernement soudanais se radicalise, et augmente le nombre de sujets tabou », ajoute Cléa Kahn-Sriber
« Malgré l’appel du président Omar el-Beshir en janvier dernier au respect des libertés, les violations à l’encontre des médias et de la liberté de la presse se poursuivent. A travers ces pratiques, le gouvernement soudanais continue de se discréditer auprès de sa population et de la communauté internationale. Il serait temps que les autorités du pays mettent un terme aux actions arbitraires et liberticides du NISS et prennent des mesures concrètes pour garantir la liberté d’information », conclue-t-elle.
Le 8 mars 2014, le journal pro-gouvernement Al Hurra a été confisqué pour la quatrième fois en l’espace de six jours.
Le 5 mars 2014, la Cour constitutionnelle annulait, tardivement, la suspension pour une durée indéterminée du journal Al-Tayar décidée par le NISS le 11 juin 2012. Sans que les motifs de la suspension aient jamais été donnés, il est probable qu’une série d’articles traitant d’une affaire de corruption au sein de la Société de coton (Cottons group) du Soudan en ait été à l’origine. Le jour même de cette décision, trois journaux n’ont pas pu paraître : les éditions de Al Hurra et de Elaph, un journal indépendant qui se concentre sur les questions économiques, étaient saisies et le Citizen, un journal en anglais, était interdit de parution. Elaph avait déjà été confisqué sans motifs officiels par le NISS le 26 février.
Le mardi 4 mars 2014 déjà, le NISS avait saisi les copies des journaux Al Jareeda, Akhir Lahza et Al Sudani, déjà confisqués le 1er mars 2014. La veille, le lundi 3 mars, l’édition d’Al Sudani avait déjà été saisie ainsi que celles d’ Al Hurra et Al Ahram Al Youm. Les services de renseignement ont également interdit au chroniqueur Haidar Kheirallah d’écrire pour une période indéterminée.
Si plusieurs groupes soudanais de défense de la liberté d’expression et des journalistes se sont mobilisés pour dénoncer ces suspensions multiples, le gouvernement de Khartoum continue son virage autoritaire. Depuis le début de l’année, les autorités soudanaises semblent avoir durci leur politique de censure à l’encontre des médias, visant même des médias traditionnellement pro-gouvernementaux. Selon ces groupes, les sujets tabou, se sont multipliés depuis quelques mois, rendant le travail des journalistes encore plus difficile qu’auparavant. Il s’agit entre autre des actions militaires commandées par le régime de Khartoum à l’encontre des groupes rebelles au Darfur, au Kordofan ou dans la région du Nil Bleu.
Reporters sans frontières compte au moins 18 confiscations ou suspensions de journaux au Soudan depuis janvier 2014.
Le Soudan est classé 172e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.