Perquisitions, interrogatoires, intimidations… L’élection du nouveau président sri-lankais, Gotabaya Rajapakse, suscite de vives inquiétudes chez les journalistes du pays.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 3 décembre 2019.
Perquisitions, interrogatoires, intimidations… L’élection du nouveau président sri-lankais, Gotabaya Rajapakse, suscite de vives inquiétudes chez les journalistes du pays. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à faire cesser toute forme d’intimidation.
Il n’aura pas fallu attendre plus d’une dizaine de jours pour que l’arrivée au pouvoir de “Terminator”, comme on le surnomme, produise ses premiers effets sur la liberté de la presse au Sri Lanka. Une semaine après sa prestation de serment, le 18 novembre, les locaux du portail Newshub.lk, à Colombo, ont fait l’objet, le 26 novembre, d’une perquisition de la police, dont les membres ont allègrement fouillé unités centrales, serveurs et ordinateurs portables.
Bien que le mandat brandi par les policiers pour légitimer cette rafle n’est plus valide depuis le 12 décembre 2018 – soit il y a près d’un an -, les enquêteurs ont prétexté une faute de frappe dans la date pour passer tout le matériel informatique du portail en ligne au peigne fin. Ils ont pour cela orienté leur recherche grâce au mot-clé “Gota” – une référence directe au nouveau président Gotabaya Rajapakse.
“Cette descente en règle de la police contre un portail d’information indépendant, aggravée par une violation grossière des procédures pénales, envoie un signal particulièrement inquiétant quant au respect de la liberté de la presse sous Gotabaya Rajapakse, dénonce Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons le nouveau gouvernement à donner des directives claires aux forces de l’ordre pour qu’elles laissent les journalistes faire leur travail sans être intimidés.”
Interrogatoire de plusieurs heures
Dès le 25 novembre, des policiers en civil de la ville de Vauniya, dans le nord de l’île, ont interpellé Sakthivelpillai Prakash, directeur du journal en langue tamoule Thinnapuyal. Après l’avoir interrogé sur des articles et des photos relatives à l’ancienne rébellion des Tigres tamouls, ils l’ont sommé de donner les coordonnées de tous les collaborateurs du journal, ce que le directeur a refusé de faire.
Le lendemain, le journaliste Sanjay Dhanushka, qui s’occupe notamment de la chaîne de vidéos en ligne du site theleader.lk, a été convoqué par le Département des enquêtes criminelles (DEC) pour un interrogatoire qui a duré plusieurs heures.
Deux jours plus tard, le 28 novembre, c’est la rédactrice en chef du site voicetube.lk, Thushara Vitharana, qui a été convoquée par le DEC. Elle a affirmé à RSF avoir été interrogée durant deux heures sur ses anciennes activités au sein du site theleader.lk. pour lequel elle ne travaille pourtant plus. Lorsqu’elle a demandé les raisons de cet interrogatoire, les policiers ont répondu qu’ils agissaient suite à une plainte déposée par l’Organisation nationale cingalaise, un groupe nationaliste qui défend la suprématie de l’identité cingalaise et bouddhiste au Sri Lanka – un thème qui a également été au coeur de la campagne électorale qui a abouti à la victoire de Gotabaya Rajapakse à la présidence.
“Décennie noire”
Ministre de la défense durant la “décennie noire” de 2005 à 2015, Gotabaya Rajapaksa a notamment gagné le surnom de “chef du gang des camionnettes blanches”, en référence aux véhicules dans lesquels des journalistes étaient enlevés pour être exécutés – comme l’a rappelé RSF en amont des élections.
Le Sri Lanka figure à la 126e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019 établi par RSF.