Le ministère de l'Intérieur marocain a déclaré avoir déposé une plainte auprès du parquet général contre « des personnes qui ont préparé et distribué un rapport comprenant des accusations graves de pratiques d'espionnage ».
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 4 juin 2015.
Ironie de la situation. Alors que les journalistes et militants des droits de l’homme victimes de surveillance seraient fondés à porter plainte contre le viol de leurs correspondances privées, c’est le ministère de l’Intérieur qui dépose plainte contre un rapport publié par Privacy International et l’Association des droits numériques, qui dénonce les pratiques de surveillance des autorités marocaines.
Le 8 mai 2015, le ministère de l’Intérieur marocain a déclaré avoir déposé une plainte auprès du parquet général contre « des personnes qui ont préparé et distribué un rapport comprenant des accusations graves de pratiques d’espionnage ».
Cette plainte fait suite à la publication par Privacy International et l’Association des droits numériques (ADN) d’une étude, intitulée Les yeux du pouvoir, sur les moyens de surveillance en ligne utilisés par l’Etat marocain contre des journalistes et net-citoyens.
« Alors que la répression contre les journalistes se durcit au Maroc, cette plainte n’a qu’un seul objectif : intimider ceux que la surveillance n’aurait pas encore réduit à l’autocensure et au silence », déclare Grégoire Pouget, responsable du bureau Nouveaux médias. « La protection des sources, corollaire nécessaire à la liberté de l’information, ne peut en aucun cas être garantie dans un pays où de telles pratiques ont cours. RSF appelle les autorités marocaines à retirer leur plainte et à cesser leur intimidation à l’encontre de journalistes. »
A travers quatre témoignages de journalistes victimes de surveillance d’Etat, ce rapport détaille les conséquences néfastes de la surveillance sur le travail des journalistes. Ali Anouzla, journaliste et “héros de l’information”, relate ses nombreuses expériences de surveillance, des écoutes téléphoniques aux piratages de ses comptes Facebook. Les net-citoyens Hisham Almiraat, Samia Errazzouki et Yassir Kazar, anciens membres de Mamfakinch (“On ne lâche rien” en arabe, un magazine en ligne créé en 2011 pour couvrir le mouvement du 20 février au Maroc), ont eux été ciblés par un logiciel espion développé et commercialisé par Hacking Team, une société listée “Ennemi d’Internet” par RSF en 2013
Le rapport rappelle que les autorités marocaines ont fait l’acquisition d’un système de surveillance généralisée, Eagle, le même que celui utilisé par Khadafi pour surveiller la population libyenne. Ce système, capable d’intercepter les emails et de traquer journalistes et dissidents sur les réseaux sociaux, a été développé et installée par une société française, Amesys, également nommée “Ennemi d’Internet”.
Le Maroc est classé 130e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.