Reporters sans frontières (RSF) condamne la suspension injustifiée visant une chaîne de télévision tanzanienne réputée, accusée d'avoir relayé des critiques sur la gestion de l’épidémie de coronavirus par les autorités.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 10 juillet 2020.
Reporters sans frontières (RSF) condamne la suspension injustifiée visant une chaîne de télévision tanzanienne réputée, accusée d’avoir relayé des critiques sur la gestion de l’épidémie de coronavirus par les autorités. RSF demande aux autorités de cesser le harcèlement répété et systématique envers les médias indépendants du pays.
La Tanzania Communication Regulatory Authority (TCRA), l’autorité de régulation des médias, a annoncé le 6 juillet 2020 une suspension de 11 mois visant la chaîne privée Kwanza Online TV. Suivie par plus de 120 000 personnes sur Facebook et appréciée pour son contenu éditorial critique, la chaîne est accusée d’avoir “généré et diffusé du contenu biaisé, trompeur et perturbateur” après avoir partagé sur Instagram une alerte de l’ambassade des Etats-Unis en Tanzanie soulignant qu’aucun chiffre sur le Covid-19 n’avait été publié par les autorités depuis le 29 avril. Jointe par RSF, la directrice de la chaîne, Maria Sarungi, a annoncé vouloir saisir les autorités judiciaires pour faire appel de cette décision.
Depuis le début de la pandémie qui a officiellement contaminé 509 personnes et provoqué 21 décès dans le pays, plusieurs voix ont émis des doutes sur les déclarations controversées du président qui affirme que le pays est “exempt du coronavirus grâce aux prières des citoyens”.
La Tanzanie est l’un des États africains les plus répressifs contre les médias et les journalistes qui osent contester ou critiquer le discours officiel sur la gestion de l’épidémie. Le journaliste Talib Ussi Hamad du quotidien Tanzania Daima avait ainsi été suspendu pour six mois en avril dernier pour avoir publié un reportage sur le coronavirus, tout comme le groupe de presse Mwananchi qui a vu sa licence en ligne retirée arbitrairement. Trois autres organes – Star Media, Multichoice Tanzania et Azam Digital Broadcast– ont chacun été condamnés à une amende et contraints de présenter des excuses publiques après la diffusion d’un reportage critiquant le président John Magufuli pour ne pas avoir décrété un confinement généralisé.
“Suspensions arbitraires de médias critiques, minimisation de l’épidémie, absence de transparence sur la réalité sanitaire, pendant la crise la production d’information indépendante subit les mêmes pressions du régime tanzanien qu’à l’accoutumée, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. En s’en prenant à la liberté d’informer, les autorités sont en train de mettre leur propre population en danger. Mal informés, les tanzaniens risquent d’être plus exposés. C’est l’épidémie qui doit être combattue, pas les journalistes.”
La chaîne Kwanza Online TV avait déjà été suspendue arbitrairement en septembre dernier pour une durée de six mois, après la diffusion d’un documentaire et d’une interview d’un opposant politique, victime d’une tentative d’assassinat en septembre 2017.
Depuis 2016, la Tanzanie a perdu 53 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi chaque année par RSF. Aucun autre État n’a connu une telle dégradation de sa situation ces dernières années. Le pays occupe actuellement le 118e rang sur 180 pays.