RSF se réjouit de la remise en liberté du journaliste d’investigation tanzanien mais déplore une libération au prix fort s’inscrivant dans un contexte de dégradation continue de la liberté de la presse dans le pays.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 24 février 2020.
Reporters sans frontières (RSF) se réjouit de la remise en liberté du journaliste d’investigation tanzanien qui n’aurait jamais dû se retrouver en prison mais déplore une libération au prix fort s’inscrivant dans un contexte de dégradation continue de la liberté de la presse dans le pays.
Près de sept mois après son arrestation le 29 juillet 2019, Erick Kabendera, pigiste pour plusieurs médias renommés comme The Guardian ou The East African, a enfin été remis en liberté ce lundi 24 février. Initialement poursuivi pour des vérifications concernant son identité, le journaliste avait vu les charges retenues contre lui changer à trois reprises et les audiences se multiplier, faute de preuves. Les accusations de “crimes économiques organisés” ont finalement été abandonnées par les magistrats et le journaliste a obtenu sa libération après avoir plaidé coupable. Il a dû s’acquitter de 40000 euros de taxes qu’il est accusé de ne pas avoir payées et d’une amende de 100 euros pour “évasion fiscale” et “blanchiment d’argent”. Joint par RSF, l’avocat du journaliste a précisé qu’il devrait payer 29000 euros supplémentaires au cours des six prochains mois, soit le montant total des taxes qui lui sont réclamées.
“Nous accueillons la libération de ce journaliste d’investigation avec un grand soulagement mais nous continuons à soutenir qu’il n’aurait jamais dû aller en prison, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous déplorons une libération au prix fort, le journaliste ayant été obligé de s’acquitter d’un montant exorbitant pour sortir d’une prison dans laquelle il n’aurait jamais dû se retrouver. Ces sept mois de privation de liberté et ces dizaines de milliers d’euros dépensés pour être remis en liberté, sont l’illustration des pressions énormes qui sont exercées sur les journalistes d’un pays où la liberté de la presse recule constamment ces dernières années.”
RSF avait dénoncé à plusieurs reprises la vacuité des accusations contre ce journaliste d’investigation et déploré la dégradation importante de son état de santé conséquence de son incarcération. Tout a été fait pour affaiblir le journaliste. Les audiences ont été constamment reportées à l’initiative de l’accusation qui demandait systématiquement plus de temps pour compléter son enquête. Erick Kabendera n’a même pas été autorisé à sortir de prison pour assister aux funérailles de sa mère décédée en décembre dernier.
Depuis 2016, un an après l’arrivée au pouvoir du président John Magufuli, la Tanzanie a perdu 47 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF et occupe aujourd’hui la 118e place sur 180 pays. L’intimidation et la répression contre les journalistes ont augmenté, des reporters sont régulièrement arrêtés, certains médias sont suspendus et plusieurs lois qui visent à restreindre la liberté d’expression et d’information ont été adoptées. Azory Gwanda, correspondant du plus important journal en swahili, Mwananchi, et de sa version anglaise The Citizen, qui enquêtait sur des assassinats suspects de fonctionnaires locaux est porté disparu depuis plus de trois ans. Aucune enquête sérieuse n’a été menée et les autorités n’ont communiqué aucune information sur cette disparition.