Des représentants de RSF se sont rendus en Tchétchénie et au Daghestan du 9 au 13 septembre 2011, pour s'entretenir avec des journalistes, des représentants des autorités et des défenseurs des droits de l'homme.
(RSF/IFEX) – Le 13 octobre 2011 – « Le monde vient de commémorer le cinquième anniversaire de l’assassinat d’Anna Politkovskaïa, mais le Caucase russe, qu’elle a intensément couvert, reste un angle mort de l’actualité internationale. La situation de la liberté de la presse sur place, tout comme celle des droits de l’homme, restent pourtant extrêmement préoccupante, a déclaré Reporters sans frontières. Deux ans et demi après notre dernière visite, les journalistes continuent de faire face à un climat de violence et de corruption qui rend leur mission extrêmement difficile. »
Reporters sans frontières rend public aujourd’hui un rapport d’enquête sur la situation des médias en Tchétchénie et au Daghestan : « Terreur, menaces, corruption : Pris dans les filets du Caucase ». Des représentants de l’organisation se sont rendus dans les deux provinces du 9 au 13 septembre 2011, pour s’entretenir avec des journalistes, des représentants des autorités et des défenseurs des droits de l’homme. Ils ont rendu leurs premières conclusions le 14 septembre lors d’une conférence de presse organisée à Moscou avec l’organisation russe de défense des droits de l’homme Memorial (prix Sakharov 2009).
La Tchétchénie et le Daghestan se trouvent aux deux extrémités du conflit caucasien : l’un l’a vu naître, l’autre est actuellement au cœur de la déstabilisation. Après deux guerres, la Tchétchénie est largement reconstruite, mais citoyens et journalistes paient le prix fort de cette « stabilisation » : absence totale de pluralisme, violations des droits de l’homme et corruption massive, culte de la personnalité et imposition d’un islam puritain. . . L’autocensure règne en maître au sein de rédactions traumatisées et intimidées. Elle est renforcée par le climat d’impunité totale, qui rend de plus en plus difficile la collecte d’informations sur une face cachée que les autorités ont beau jeu de nier.
La république voisine du Daghestan présente un tableau paradoxal. La flambée de violences actuelle n’y épargne pas les journalistes, dont les agressions et assassinats se multiplient en toute impunité. Pourtant, un certain pluralisme, indissociable de l’hétérogénéité de la société, est préservé. Mais il est rendu plus fragile que jamais par les difficultés économiques et les tentatives de manipulation.
Des gestes concrets de la part des autorités locales et fédérales pour mettre fin à l’impunité des assassins et agresseurs de journalistes, représenteraient un premier pas important pour desserrer l’étau de l’intimidation et de l’autocensure dans la région. La presse indépendante, quand elle existe, doit cesser d’être criminalisée et assimilée à l’insurrection armée.
« Loin de la ‘normalisation’ vantée par Moscou, le Caucase russe continue de s’enfoncer dans une spirale incontrôlée dont les civils sont les premières victimes, conclut l’organisation. Les médias ont un rôle essentiel à jouer pour en sortir : offrir une plate-forme de dialogue à toutes les opinions, relayer les préoccupations de la société civile auprès des autorités, rappeler à ces dernières l’urgence de protéger la population contre la violence et la corruption. . . Il est temps que le pouvoir se rende compte que la liberté de la presse ne fait pas partie du problème, mais de la solution. »