(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de JED daté du 21 novembre 2007: JED dénonce la fermeture prolongée d’une trentaine de chaînes de radios et télévisions et la volonté à peine voilée d’embastillement définitif des médias qui dérangent Journaliste en danger (JED), organisation indépendante et non partisane de défense et de promotion de la liberté de […]
(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de JED daté du 21 novembre 2007:
JED dénonce la fermeture prolongée d’une trentaine de chaînes de radios et télévisions et la volonté à peine voilée d’embastillement définitif des médias qui dérangent
Journaliste en danger (JED), organisation indépendante et non partisane de défense et de promotion de la liberté de la presse et Réseau d’alerte de l’Organisation des médias d’Afrique centrale (OMAC), a suivi avec un grand étonnement les déclarations du Ministre de l’information, presse et communication nationale, M. Toussaint Tshilombo Send, lors de l’émission « Questions d’actualités » diffusée, mardi 20 novembre 2007, sur la chaîne publique, Radiotélévision nationale congolaise (RTNC).
JED est particulièrement scandalisée et choquée par les réponses désinvoltes données par le Ministre pour justifier sa décision d’interdiction, depuis plus d’un mois, d’une trentaine de chaînes de radios et télévisions émettant de Kinshasa et le retard dans l’ouverture des médias qui se sont mis en règle.
En effet, interrogé sur les motivations de son arrêté ministériel prise le 20 octobre 2007 et interdisant de diffusion sur toute l’étendue du pays 38 entreprises audiovisuelles émettant à Kinshasa, M. Tshilombo a avoué que cette décision « d’assainissement de la profession » remonte à la réunion du gouvernement tenue le 24 mars 2007, soit au lendemain des affrontements armés ayant opposé des éléments des Forces armées congolaises (FARDC) à ceux commis à la garde de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba. Pour concrétiser cet « assainissement conçu in illo tempore suspecto », le Ministre a évoqué l’absence, dans les dossiers respectifs de ces entreprises, soit de la licence d’exploitation, soit du récépissé délivré par son ministère, soit des preuves de paiement des taxes administratives auxquelles sont assujetties ces organes de presse.
Dès le lendemain de cette mesure controversée, il s’est révélé que s’il y avait effectivement des médias qui avaient des dossiers administratifs incomplets, d’autres ont été frappés abusivement car ils disent détenir les documents et preuves qu’on leur réclame. Et, depuis un mois, ceux qui avaient des dossiers incomplets ont régularisé leurs situations administratives ou fiscales en négociant des échéanciers de paiement, selon des informations parvenues à JED.
Malgré ces régularisations, depuis un mois, le ministre n’a toujours pas levé sa mesure d’interdiction. Répondant à cette anomalie administrative, le Ministre a dit, au cours de la même émission, avoir mis sur pieds une commission de recours qui doit déposer ses conclusions dans un mois. Il a également menacé de retirer définitivement la fréquence au cas où certaines chaînes ne se seraient pas mises en ordre à l’issu du délai de deux mois imparti à la commission des recours. « De toutes les façons, notre objectifs serait de garder pas plus de dix chaînes », a-t-il laissé entendre.
De ce qui précède JED constate ce qui suit:
1. Sous le motif plausible des dossiers administratifs, la décision du Ministre de la Presse et Information apparaît clairement aujourd’hui comme la concrétisation d’une décision politique prise par le gouvernement le lendemain des affrontements de Kinshasa des 22 et 23 mars 2007, pour sanctionner « une certaine presse » accusée, à tort à l’époque, « d’avoir joué un rôle néfaste » dans le déclenchement des événement survenus dans la capitale.
2. Selon des informations en notre possession, depuis la coupure intempestives de leur signal d’émission, certaines chaînes incriminées, à tort ou à raison, ont pu régulariser leur situation, tandis que d’autres ont sollicité et obtenu un moratoire pour ce faire.
3. La fermeture prolongée de ces chaînes, en dépit de la régularisation de leurs dossiers administratifs, confirme la volonté politique de réduire au silence des médias qui dérangent violant par ce fait même la loi N°002/96 du 22 juin 1996 qui stipule qu’en matière de communication audiovisuelle la liberté est le principe et l’interdiction, l’exception. Ces mesures dont l’objectif ultime, à en croire le ministre lui-même, est de laisser fonctionner un maximum de dix radios et télévisions rappellent l’époque révolue du Ministère de l’Orientation nationale qui s’était assigné le droit divin de choisir les médias que le bon peuple du Congo devait suivre.
4. Les deux mois impartis à la commission de recours pour déposer ses conclusions viseraient aussi à maintenir les médias suspendus en l’état, pour mieux les exclure du partage annoncé de la cagnotte de 2 millions de dollars votés prévus dans le budget 2007 au titre d’aide publique à la presse.
5. JED rappelle que les médias ainsi politiquement sanctionnés sont des entreprises qui risquent de mettre la clé sous le paillasson des suites de cette fermeture prolongée.
6. S’il est vrai qu’à l’image de tous les secteurs de la vie nationale, celui des média nécessite un assainissement pour une politique de l’information digne d’un pays voulu démocratique, la mesure du ministre est tout sauf la solution escomptée.
Face à cette mesure qui dévoile aujourd’hui une vision anachronique du droit à l’information garanti par la constitution de la République, JED en appelle aux représentants du peuple réunis au Parlement pour arrêter ce retour en arrière de la liberté d’expression et d’entreprise moins d’une année après les élections. JED demande également au Ministre Tshilombo de mettre fin à cette prise d’otage des médias privés pour des intérêts partisans inavoués.